23.09.2003 - TPIR/MILITAIRES I - NOUVELLE PLAINTE DE LA DEFENSE CONTRE DES ELEMENTS DE PREUVE ADDITI

Arusha, le 23 septembre 2003 (FH) - Les avocats de la défense dans le procès de quatre hauts gradés des ex-Forces armées rwandaises (FAR) ont une nouvelle fois protesté contre l'introduction D'éléments de preuve additionnels par le procureur, mardi devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Cette dernière saga a été provoquée par ce que les avocats ont considéré comme "de nouveaux éléments de preuve que le procureur voudrait produire alors qu'ils ne font pas partie de l'acte D'accusation".

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Les avocats de deux accusés dans cette affaire ont formulé une requête en vue du rejet de ces éléments, qui a occasionné un débat houleux devant la chambre.

La semaine dernière, la défense s'était également opposée à ce qu'un témoin à charge évoque des événements antérieurs à 1994.

Les avocats avaient alors partiellement obtenu gain de cause, la chambre ayant ordonné que seules des informations pertinentes soient utilisées.

Me Raphael Constant, l'avocat franco-martiniquais du colonel Théoneste Bagosora, a estimé que compte tenu de ces nouveaux éléments de preuve, le procureur devrait se retirer et revenir une fois qu'il se sera préparé.

"Nous allons demander que le procureur arrête le procès afin qu'il prépare ses témoins", a déclaré Me Constant.

l'avocat du colonel Bagosora a rappelé un incident datant de juin dernier, indiquant que la défense ne devrait pas être victime des méfaits du procureur.

Me Constant a même menacé de démissionner au cas où la chambre ne tiendrait pas en considération ses doléances.

"Ce procès n'est plus équitable et je voudrais que la chambre le note" a-t-il dit. Me Constant a ajouté qu'il ne pouvait plus tolérer que le procureur changer les sujets des déclarations de témoins à sa guise.

Ancien directeur de cabinet au ministère rwandais de la défense, le colonel Bagosora est coaccusé avec l'ex-responsable des opérations à l'Etat-major de l'armée rwandaise, le général de brigade Gratien Kabiligi, l'ancien commandant de la région militaire de Gisenyi (ouest du Rwanda), le lieutenant-colonel Anatole Nsengiyumva, ainsi que l'ancien commandant du bataillon para-commando de Kigali, le major Aloys Ntabakuze.

Ils sont poursuivis notamment pour entente en vue de commettre le génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre. Ils plaident non coupable.

Me Jean Yaovi Degli, l'avocat franco-togolais du général Kabiligi a pour sa part estimé qu'il devrait y avoir une limite que le procureur ne devrait pas franchir en ce qui concerne les déviations par rapport à l'acte D'accusation. Me Degli a saisi l'occasion pour demander à la chambre de se montrer ferme vis-à-vis du procureur.

Les enquêtes du procureur n'arrivent jamais à terme", a t-il déploré, ajoutant que la défense était fatiguée de se voir tendre des embuscades.

Me Paul Skolnik, le co-conseil canadien du colonel Bagosora est également revenu sur les risques "D'un procès par embuscade", indiquant que cela mettait la défense dans une situation inconfortable.

La représentante américaine du procureur, Barbara Mulvaney, a répondu qu'il ne s'agit pas D'éléments nouveaux que le parquet tente D'introduire mais D'informations additionnelles permises dans le cadre du Règlement.

Selon l'article 67 D du Règlement de procédure et de preuve du TPIRqu'elle a cité, " si l'une ou l'autre des parties découvre des éléments de preuve ou informations ou pièces supplémentaires qui auraient dû être produits conformément au Règlement, elle en informe sans tarder l'autre partie et la Chambre de première instance".

Barbara Mulvaney a ajouté que la chambre devrait par ailleurs considérer la gravité des charges retenues contre les accusés et autoriser la présentation de ces éléments de preuve.

Au mois de juin, Barbara Mulvaney avait également plaidé l'introduction de nouveaux éléments à charge dans le dossier. "Beaucoup D'éléments de preuve viennent des [tribunaux semi-traditionnels rwandais] gacaca. Qu'est-ce que nous sommes supposés faire de ces éléments?", avait-elle alors demandé.

La juriste américaine s'était en l'espèce fondée sur une jurisprudence du Tribunal de l'ONU pour l'ex-Yougoslavie où des documents provenant des services de renseignements croates avaient été admis en preuve en appel alors qu'ils n'avaient pas été présentés au cours du procès en première instance.

Le procès des militaires se déroule devant la première chambre de première instance du TPIR présidée par le juge norvégien Erik Mose et comprenant les juges russe Serguei Aleckseievich Egorov et fidjien Jai Ram Reddy.

Les débats ont été suspendus jusqu'à jeudi. La chambre a voulu se donner un temps suffisant pour délibérer sur cette requête.

AT/KN/GF/FH (Ml'0923A)