l'état de santé de Me Tremblay avait plongé les débats dans la confusion, la chambre ne sachant pas à quoi s'en tenir en l'absence du conseil principal, le Professeur américain Peter Erlinder, qui s'était rendu aux Etats-Unis quelques jours auparavant.
Les juges avaient alors décidé de suspendre provisoirement le témoignage de DBY, le major Ntabakuze s'étant opposé à ce qu'un témoin le mettant en cause soit cité en l'absence de ses défenseurs. "Ce serait un précédent dangereux de procéder en l'absence de mon avocat", avait-t-il estimé.
DBY est un soldat membre des ex-FAR qui aurait servi sous le commandement du major Ntabakuze. Ce dernier est co-accusé avec l'ancien directeur de cabinet au ministère de la défense, le colonel Théoneste Bagosora, considéré par le parquet comme le "cerveau du génocide", l'ancien responsable des opérations militaires à l'Etat major de l'armée, le général de brigade Gratien Kabiligi, ainsi que l'ancien commandant de la région militaire de Gisenyi (ouest du Rwanda), le lieutenant-colonel Anatole Nsengiyumva.
Ils sont accusés notamment D'entente en vue de commettre le génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre. Ils plaident tous non coupables.
Témoignage hors contexte
Lundi dernier, la défense avait estimé que la déposition de DBY, portant sur les événements datant de 1990, s'écartait du champ de compétence du TPIR (qui s'étend du 1er janvier au 31 décembre 1994) et était "sans rapport avec l'acte D'accusation".
"Il n'y pas de faits [en 1990] qui permettent de démontrer une conduite délibérée visant la préparation du génocide de 1994", avait soutenu l'avocat martiniquais de Bagosora, Me Raphaël Constant.
Le procureur avait pour sa part maintenu que dans le contexte du génocide rwandais, "il y a un lien de causalité entre 1990 et 1994 qui fait ressortir certains éléments D'entente".
En statuant sur la question, les juges avaient estimé qu'il revenait à la chambre D'apprécier la pertinence de la preuve à charge, autorisant ainsi le témoignage contesté par la défense.
Identification de l'ennemi
Lundi, DBY a rapporté qu'il avait intercepté deux télégrammes qu'aurait envoyé Bagosora en 1991 et 1993. l'accusé aurait averti ses commandants en leur disant que l'ennemi se trouvait "au sein de l'armée", et qu'il s'agissait des Tutsis.
Dès réception de ces messages codés, un centaine de Tutsis et de Hutus originaires du sud auraient été renvoyés de l'armée, selon DBY. "Aucun Tutsi n'a été recruté dans l'armée après 1991", a-t-il affirmé.
Originaire du nord du Rwanda, le président Habyarimana était réputé pour son favoritisme au sein de l'administration et de l'armée vis à vis des ressortissants de sa région.
Le télégramme de 1993 enjoignait à l'armurerie de mettre à disposition un millier de fusils afin de les distribuer aux miliciens, a encore allégué le témoin.
Au cours de l'audience de lundi, la défense est revenue sur l'admissibilité des éléments de preuve couvrant la période D'avant 94, ce qui a amené le parquet à écourter l'interrogatoire principal du témoin.
Après une brève séance en public, le contre-interrogatoire de DBY s'est déroulé en fin de matinée à huis-clos.
Les débats se poursuivent mardi devant la première chambre de première instance présidée par le juge norvégien Erik Mose, assisté des juges russe Serguei Aleckseievich et fidjien Jai Ram Reddy.
GA/KN/CE/GF/FH (Ml'0922A)