08.09.2003 - TPIR/MILITAIRES I - LE MAJOR NTABAKUZE AURAIT ORDONNE LE MASSACRE DE TUTSIS

Arusha, le 8 septembre 2003 (FH) - Un témoin du parquet entendu lundi par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a affirmé que l'ancien commandant du bataillon para-commando de Kanombe à Kigali, le major Aloys Ntabakuze, a ordonné la mise à mort des Tutsis réfugiés à Kabgayi (préfecture Gitarama, centre du Rwanda) en avril 1994. Le quinzième témoin à charge dénommé "XAI" pour cacher son identité a fait ces allégations dans le procès de quatre hauts officiers des ex-Forces armées rwandaises (ex-FAR), perçus par l'accusation comme les principaux architectes du génocide rwandais.

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XAI a révélé qu'il comptait parmi les militaires blessés évacués du camp militaire de Kanombe vers un camp de fortune érigé à Gitarama en mai 1994.

"Ntabakuze est arrivé à notre camp en colère et s'est étonné de nous trouver dehors alors que 'les serpents' avaient envahi les maisons", a déclaré le témoin, expliquant que l'accusé faisait allusion aux réfugiés Tutsis qui vivaient près du camp.

l'accusé aurait fait remarquer que si les militaires n'étaient pas en mesure de s'occuper des réfugiés, il allait se faire aider par des milices Interahamwe connus sous l'appellation "Zulus". Un peu plus tard, les milices seraient arrivées et auraient emmené les réfugiés dans un boisement près du camp.

"Nous avons entendu ensuite des explosions de grenades et des cris", a poursuivi le témoin, estimant le nombre de réfugiés à 80, la majorité d’entre eux en haillons, malades et affamés. Il a ajouté que du lieu de ce massacre sortait une odeur puante.

En entamant sa déposition, XAI a indiqué avoir été témoin du discours que Ntabakuze aurait adressé à ses soldats dans la nuit du 6 avril 1994, peu après l'attentat contre l'avion du président Habyarimana.

"Le major Ntabakuze a averti les militaires rassemblés que le président ne devait pas mourir comme un chien", a-t-il allégué. l'accusé aurait ordonné à ses hommes de ne pas dormir mais de s’armer. Les soldats auraient par la suite étaient déployés en différents endroits de Kigali.

"Le lendemain, nous avons appris que des Tutsis avaient été éliminés. La majorité des soldats étaient ivres et certains D'entre eux avaient des dollars", a affirmé XAI.

Le parquet allègue que "dans les heures qui ont suivi la chute de l'avion présidentiel, les militaires et les miliciens ont érigé des barrages routiers et commencé à massacrer les Tutsis et les membres de l'opposition Hutu à Kigali et dans D'autres régions du Rwanda".

Ntabakuze est co-accusé avec l'ancien directeur de cabinet au ministère de la défense, le colonel Théoneste Bagosora, considéré par le parquet comme "cerveau du génocide", l'ancien responsable des opérations militaires à l'Etat major de l'armée, le général de brigade Gratien Kabiligi, ainsi que l'ancien commandant de la région militaire de Gisenyi (ouest du Rwanda), le lieutenant-colonel Anatole Nsengiyumva.

Accusés notamment D'entente en vue de commettre le génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre, tous plaident non coupable.

XAI est le premier témoin du parquet à mettre véritablement en accusation le major Ntabakuze, depuis le début du procès en avril 2002.

Vendredi dernier, le Professeur américain Peter Erlinder qui défend les intérêts de Ntabakuze, avait qualifié de "très minimes" les accusations portées contre son client et avait plaidé une disjonction (procès séparé). La requête est toujours en délibéré.

Ce procès dit "Militaires I" se déroule devant la première chambre de première instance du TPIR, présidée par le juge norvégien Erik Mose, assisté des juges russe Serguei Aleckseievich et fidjien Jai Ram Reddy.

XAI poursuivra sa déposition mardi.

GA/KN/CE/GF/FH (Ml'0908A)