03.07.2003 - TPIR/MILITAIRES I - BAGOSORA ET NSENGIYUMVA AURAIENT ETABLI DES LISTES DE TUTSIS A TUER

Arusha, le 3 juillet 2003 (FH) - Un témoin du parquet a déclaré jeudi devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) que deux hauts officiers des ex-Forces armées rwandaises (ex-FAR) avaient confectionné des listes de Tutsis à éliminer en 1993, en prélude au génocide de 1994. Le témoin protégé "XPH", huitième de l'accusation, a pointé du doigt l'ancien directeur de cabinet au ministère rwandais de la défense, le colonel Théoneste Bagosora, considéré par le parquet comme le "cerveau" du génocide, ainsi que l'ancien commandant de la région militaire de Gisenyi (ouest du Rwanda), le lieutenant-colonel Anatole Nsengiyumva.

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Ces listes auraient été élaborées à Butare (sud du Rwanda) au domicile D'une personne qui avait embauché XPH comme domestique. Le témoin n'a pas donné le nom de son ancien patron pour des raisons de sécurité. Il n'a pas non plus donné la date à laquelle les accusés se seraient rencontrés pour dresser ces listes.

A cette occasion, Bagosora aurait déclaré qu'il fallait venger la mort des "Hutus importants" qui avaient été éliminés. C'est ainsi qu'il aurait proposé que soient dressées des listes D'intellectuels et de commerçants tutsis que les Hutus devaient éliminer à leur tour.

"Anatole Nsengiyumva a apprécié cette proposition", a allégué le témoin, expliquant que cette rencontre avait eu lieu quelques jours après la mort de Martin Bucyana, alors président du parti radical Hutu, la CDR (Coalition pour la Défense de la République).

XPH a rapporté que Bagosora et Nsengiyumva ont tous deux suggéré des noms de Tutsis originaires de leurs régions respectives. "J'ai moi-même contribué à donner des noms", a-t-il ajouté.

Selon le témoin, les Tutsis listés à Butare, qu'il a estimé à "une centaine", ont été par la suite arrêtés puis transférés à Gisenyi. XPH a confessé qu'après la mort du président Habyarimana le 6 avril 1994, il a participé aux massacres à grande échelle qui ont suivi à Gisenyi à partir du 8 avril, "en désignant les personnes dont les listes avaient été pré-établies [à Butare]".

Le parquet allègue que de fin 1990 à juillet 1994, Théoneste Bagosora et D'autres, dont ses trois coaccusés dans le procès des Militaires, se sont entendus pour élaborer un "plan machiavélique" dans l'intention D'éliminer la population civile Tutsie et des membres de l'opposition, afin de se maintenir au pouvoir.

"Les éléments de ce plan comportaient, entres autres, le recours à la haine et à la violence ethnique, l'entraînement et la distribution D'armes aux miliciens ainsi que la confection de listes de personnes à éliminer".

Bagosora et Nsengiyumva sont co-accusés avec l'ancien responsable des opérations militaires à l'Etat major de l'armée, le général de brigade Gratien Kabiligi, ainsi que l'ancien commandant du bataillon para-commando de Kanombe (Kigali), le major Aloys Ntabakuze. Ils plaident non coupable.

En contre-interrogatoire mené par Me Rahaël Constant, l'avocat franco-martiniquais de Bagosora, le témoin a imputé aux enquêteurs du TPIR les erreurs relevées dans sa déclaration écrite et sa déposition devant la chambre . "Je ne parle ni l'anglais ni le français", s'est-il excusé.

Le procès dit "Militaires I" se déroule devant la première chambre de première instance du TPIR, présidée par le juge norvégien Erik Mose, assisté des juges russe Serguei Aleckseievich Egorov et fidjien Jai Ram Reddy.

Le contre-interrogatoire de XPH se poursuit vendredi.

GA/CE/GF/FH (Ml'0703A)