11.06.2003 - TPIR/MILITAIRES I - LES PERIPETIES DU PROCES DES MILITAIRES

Arusha, le 11 juin 2003 (FH) - Le procès de quatre hauts gradés des ex-Forces armées rwandaises (ex-FAR) a repris lundi par une conférence de mise en état à huis-clos devant la première chambre de première instance du tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Depuis lundi, les juges de la chambre I, désormais saisie de l'affaire des "Militaires I", prennent connaissance du dossier et délibèrent pour savoir si le procès se poursuit ou doit recommencer à zéro.

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Le Règlement de procédure et de preuve du TPIR prévoit qu'un juge puisse être remplacé en cours de procès sans affecter la bonne marche de celui-ci, en vertu de l'article 15bis modifié. Il ne prévoit rien, en revanche, lorsqu'un procès en cours est transféré devant une autre chambre. Le procès des Militaires était jusqu'à lundi entendu par la Chambre III.

Le procès des militaires, étant donné le rôle allégué des accusés dans le génocide rwandais, est l'un des plus importants dont le TPIR ait été saisi.

Il regroupe l'ancien directeur de cabinet au ministère de la défense, le colonel Théoneste Bagosora, considéré par le parquet comme le "cerveau du génocide", l'ancien responsable des opérations militaires à l'Etat major de l'armée, le général de brigade Gratien Kabiligi, l'ancien commandant de la région militaire de Gisenyi (ouest du Rwanda), le lieutenant-colonel Anatole Nsengiyumva, ainsi que l'ancien commandant du bataillon paracommando de Kanombe (Kigali), le major Aloys Ntabakuze.

Accusés notamment D'entente en vue de commettre le génocide et de crimes de guerre, les quatre accusés plaident non coupable.

Un début de procès difficile
En juin 1998, le parquet entendait citer plus de huit cents témoins. La défense avait sollicité l'intervention de la chambre, dénonçant la perte de temps qu'allait entraîner une telle procédure.

Le même mois, le Règlement était modifié pour permettre aux juges de contrôler les modalités et l'ordre D'audition de témoins. La chambre III avait alors demandé au procureur de réduire ce premier chiffre, qu'il avait porté à 250.

En avril dernier, une ordonnance de la Chambre III a de nouveau demandé au procureur de limiter le nombre de témoins à une centaine. La représentante
du procureur, l'Américaine Barbara Mulvaney avait déclaré qu'elle ne pouvait descendre en dessous de 121, chiffre toujours D'actualité.

Débuté le 2 avril 2002, le procès connaît un faux départ. Le procureur a juste l'occasion de lire la déclaration liminaire.

Les accusés boycottent la séance D'ouverture, se plaignant de n'avoir pu prendre connaissance de nombreux documents "non traduits" du procureur, et
alléguant la violation de leurs droits à un procès équitable. Le jour suivant, la chambre décide l'ajournement suite à cette impréparation du parquet.

Les avocats de la défense avaient alors accusé le procureur D'avoir voulu faire "un show médiatique".

Juste après l'ajournement, le représentant du procureur en charge du dossier, l'avocat canado-nigérian Chile Eboe Osuji, était remplacé par Me Mulvaney.

Une procédure très lente
A la reprise, le 2 septembre 2002, les discussions s'enlisent dans des débats juridiques préliminaires à la déposition du premier témoin à charge,
l'historienne américaine et activiste des droits de l'homme, Alison Des Forges.

La défense s'oppose en effet à ce que Mme Des Forges dépose en tant qu'expert, arguant que l'accusation doit D'abord jeter les bases factuelles de sa preuve avant de recueillir les opinions D'un expert.

Les avocats de la défense estiment, en outre, que le témoin n'est pas compétent pour parler de la période du génocide, au motif que sa thèse de doctorat porte sur l'histoire du Rwanda des années 30. Après délibération, les juges statuent en faveur du procureur dans les deux cas.

Mme Des Forges fait autorité sur le Rwanda grâce notamment à de nombreux travaux de recherche sur la région des Grands Lacs, et son ouvrage de référence sur l'histoire du génocide : "Aucun témoin ne doit survivre".

l'avocat franco-martiniquais de Bagosora, Me Raphaël Constant, contre-interroge pendant près D'une semaine Mme Des Forges sur l'histoire du Rwanda, malgré les injonctions de la chambre qui met en doute la pertinence de telles questions.

La défense dénonce ensuite le manque de formation universitaire de Mme Des Forges en matière de droits de l'homme, contestant ainsi son rapport D'expertise soumis au TPIR.

Le juge président, Lloyd George Williams de Saint Kitts et Nevis, concède que les choses n'avancent pas: "Nous sommes enlisés dès le départ",
déclare-t-il, avant de lancer au procureur : "Je vous avais demandé de commencer par des témoins qui ne posent pas problème".

Nouvelle péripétie
Le 21 mai dernier, le juge Williams, président de la Chambre III annonce qu'il se retire de l'affaire des "Militaires I" pour "raisons personnelles". Ce dernier rebondissement s'est soldé par la nomination D'une nouvelle équipe de magistrats qui siègent en chambre I.

Cette chambre est présidée désormais par le juge norvégien Erik Mose, assisté des juges russe Serguei Aleckseievich Egorov et Jai Ram Reddy de Fiji.

La Chambre I devrait annoncer sous peu la suite qu'elle compte donner au procès. Les observateurs estiment qu'il devrait durer au moins deux ans. La
session qui a débuté lundi est programmée jusqu'au 18 juillet. Jusqu'à présent, le parquet a cité deux témoins à charge.

GA/CE/FH (Ml'0611A)