03.03.2003 - TPIR/MEDIAS - TROIS TEMOINS AFFIRMENT QUE NGEZE A SAUVE DES TUTSIS

Arusha, le 3 mars 2003 (FH) - Trois témoins à décharge ont affirmé que Hassan Ngeze, un des trois co-accusés dans le procès des"médias de la haine", avait sauvé des Tutsis pendant le génocide de 1994, lundi, devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Ancien directeur et rédacteur en chef de la revue Kangura, Hassan Ngeze, est coaccusé avec le directeur allégué de la Radio-télévision libre des Mille collines (RTLM), Ferdinand Nahimana, et Jean-Bosco Barayagwiza, un membre du comité D'initiative de cette radio.

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Les débats avaient été suspendus le 31 janvier dernier après l'audition de onze témoins de la défense de Hassan Ngeze. Tous ont déclaré que Hassan Ngeze n'avait pas participé aux massacres de Tutsis en 1994.

Désignés par les pseudonymes "RM10", "BAZ 15" et "RM116" pour protéger leurs identités, les trois témoins ont déposé de manière identique en faveur de Hassan Ngeze.

Selon RM14, le 10 avril 1994, Hassan Ngeze s'est rendu à son domicile de Gisenyi (ouest du Rwanda) pour emprunter un véhicule, en vue D'aider des
Tutsis persécutés à se réfugier à Goma dans l'ex-Zaïre.

"Je crois qu'effectivement il l'a fait, parce que certains de ces Tutsis sont encore en vie", a déclaré RM14. Le témoin a également cité au moins quatre familles de Tutsis qui avaient été sauvées, selon lui, par Hassan Ngeze.

Le témoin "BAZ 15" a indiqué qu'effectivement " beaucoup de personnes" se cachaient chez Ngeze en avril 1994.

Hassan Ngeze aurait souvent recouru à BAZ 15 pour assurer la sécurité de ces personnes.

Le témoin a expliqué que l'accusé avait réussi à les évacuer en les cachant dans des tonneaux.

"Il enlevait le fond du tonneau et faisait asseoir les gens dedans. Il fermait ensuite le couvercle et faisait comme s'il allait chercher de l'essence à Goma. Après les avoir déposé à Goma, il revenait alors à Gisenyi", a-t-il rapporté.

Une femme tutsie dépose en faveur de Ngeze
Le témoin RM116 est pour sa part une femme tutsie qui a passé quatre jours au domicile de Ngeze avant D'être évacuée vers l'ex-Zaïre. C'est la première fois qu'un Tutsi témoigne en faveur de Ngeze.

Au mois de janvier dernier, le parquet avait mis au défi la défense de Ngeze de faire comparaître un Tutsi que l'accusé avait sauvé.

RM116 a déclaré avoir vu chez Ngeze une vingtaine D'autres réfugiés qui ont été évacués le même jour qu'elle. "J'ai eu la chance de traverser grâce à Hassan Ngeze. Que Dieu le bénisse pour cela", a déclaré RM116.

Le témoin BAZ 15 a en outre déclaré que Hassan Ngeze avait sauvé des Tutsis à Kigali. Les uns ont été conduits à l'église Sainte Famille dans la ville de Kigali, les autres à Gisenyi, selon lui.

"Ngeze avait une camionnette. Il a fait comme s'il déménageait du matériel de bureau. Il les a cachés sous des cartons et des matelas.", a affirmé BAZ 15.

Le parquet a contesté la crédibilité des témoins BAZ 15 et RM14, arguant notamment qu'ils étaient amis de la famille Ngeze. Les témoins ont répondu qu'ils n'étaient pas liés à l'accusé et qu'ils étaient simplement venus dire la vérité.

Le procureur a par ailleurs suggéré que certains Tutsis avaient été sauvés en échange D'argent. Les témoins ont répondu qu'ils ne connaissaient personne qui avait payé pour cela.

S'agissant de RM116, le procureur a demandé si elle disposait de sa carte D'identité de 1994 pour vérifier son ethnie. Le témoin a répondu qu'elle l'avait déchirée, pour des raisons de sécurité, peu avant son évacuation.

Ngeze reçoit un avertissement
Lundi, Ngeze a plusieurs fois demandé à intervenir pour poser des questions aux témoins mais la chambre l'a instruit de passer par ses avocats.

Ngeze a souvent maille à partir avec ses avocats, l'Américain Me John Floyd et le Canadien Me René Martel, à qui il reproche de ne pas le consulter. Les
avocats estiment de leur côté que c'est le client qui refuse de les rencontrer.

"Asseyez-vous M.Ngeze. Si vous continuez à agir comme cela, je vais sévir. Je vous ai déjà donné un avertissement", a même dû intimer le juge président.

Par le passé, Hassan Ngeze avait été autorisé à poser des questions à certains témoins, après celles de ses avocats. La chambre lui avait expliqué que c'était une mesure exceptionnelle. Le Règlement permet à la chambre de faire sortir un accusé qui n'obtempère pas aux instructions. Les débats se poursuivent alors en son absence.

Le procès des médias se déroule devant la première chambre de première instance du TPIR présidée par la juge sud-africaine Navanethem Pillay et
comprenant en outre les juges norvégien Erik Mose et sri-lankais Asoka de Zoysa Gunawardana.

Le juge Mose sera absent jusque mercredi et le procès se poursuivra en présence de deux juges.

AT/CE/GF/FH (ME'0303A)