28.02.2003 - TPIR/NIYITEGEKA - LE JUGEMENT DE l'ANCIEN MINISTRE NIYITEGEKA MIS EN DELIBERE

Arusha, le 28 février 2003 (FH) - Le jugement de l'ancien ministre de l'information, Eliézer Niyitegeka, a été mis en délibéré vendredi après deux jours de plaidoiries devant la première chambre de première instance du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). La présidente de la chambre, la juge sud-africaine Navanethem Pillay, a déclaré que "fin mars-début avril, les conseils des parties seront contactés pour fixer la date de prononcé du jugement.

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" C'est la première fois que la chambre donne une indication sur la période probable du prononcé D'un jugement.

Eliézer Niyitegeka, 50 ans, répond de huit chefs D'accusation de génocide et de crimes contre l'humanité portant sur des massacres de Tutsis dans les
collines de Bisesero (province Kibuye, ouest du Rwanda) entre avril et juin 1994.

Le parquet a requis "la peine maximale", c'est à dire l'emprisonnement à vie, la défense, ayant, pour sa part, plaidé l'acquittement.

Eliézer Niyitegeka est défendu par deux avocats irlandais, Me Sylvie Geraghty et Me Feargal Kavanag.

Le parquet a cité douze témoins dans ce procès qui a commencé le 17 juin 2002, la défense onze.

Plaidoirie de la défense
La défense conteste la crédibilité de l'ensemble des témoins à charge, affirmant que le parquet n'a pas prouvé au-delà de tout doute raisonnable la culpabilité de l'accusé.

Les avocats ont également invité les juges à se montrer rigoureux en matière D'admission des preuves. "Il y a un dicton africain qui dit que le lion a
toujours raison. Mais on n'a pas ici affaire à la justice du vainqueur contre le vaincu. Il est essentiel de montrer que la loi de la jungle ne s'impose pas devant vous", a plaidé Me Kavanag.

Pour Me Kavanag, on ne peut pas déclarer son client coupable "simplement parce que le FPR [Front Patriotique Rwandais au pouvoir à Kigali] a crié au
génocide, simplement parce que certains témoins ont crié que Niyitegeka avait parcouru les collines de Bisesero."

Selon l'avocat irlandais, "certains témoins ont été influencés, certains ont voulu, pour des raisons qui leur sont propres, faire payer des dirigeants
politiques. D'autres ont été utilisés, mais la réalité est que ces témoins n'ont pas établi au-delà de tout doute raisonnable la culpabilité de l'accusé".

Me Geraghty a également allégué l'incohérence des témoignages à charge et leur manque de fiabilité. Selon elle, des témoins à charge modifient leurs déclarations en fonction des situations. Plusieurs témoins du procureur ont en effet comparu dans l'une ou l'autre des quatre affaires relatives à la région de Kibuye déjà jugées au TPIR.

Me Geraghty a estimé que de telles dépositions ne pouvaient être retenues par la chambre, en raison de leur caractère contradictoire. Elle a affirmé
que le procureur a cité soit "des témoins complices" des massacres de 1994, soit ceux "dont les dépositions ont été rejetées en partie ou en totalité
dans D'autres affaires" ou D'autres encore dont les dépositions sont, selon elles, vagues, imprécises ou contradictoires.

Me Gerarghty a relevé que le procureur avait plusieurs fois modifié l'acte D'accusation ainsi que la liste des témoins. Le parquet a cité douze témoins
sur les soixante-quatorze annoncés au départ. "On peut penser qu'il existe une partie qui agit dans les coulisses et qui a intérêt à ce que Niyitegeka
soit poursuivi, une partie qui essaye de faire correspondre les déclarations aux accusations."

Niyitegeka a été arrêté au Kenya le 9 février 1999 et transféré à Arusha deux jours plus tard. "Nous pensons que pendant quatre ans, on a fabriqué des éléments de preuve", a indiqué Me Gerarghty.

Me Geraghty a par ailleurs décrit son client comme "un homme qui a fait de son mieux pour sauver les gens." Me Geraghty a expliqué que Niyitegeka avait même demandé à la communauté internationale D'intervenir en faveur des Hutus et des Tutsis menacés mais que son appel n'avait pas été entendu.

l'avocate irlandaise a soutenu que, compte tenu de la manière dont le procureur a mené l'affaire Niyitegeka, elle espérait "que ce procès ne
figurera jamais dans les manuels scolaires. Ce ne fut pas une poursuite noble".

La représentante américaine du parquet, Melinda Pollard, a répondu que l'accusation était soucieuse de la vérité, ajoutant que "personne n'était payé sur base du nombre de condamnations obtenues". Pour Melinda Pollard, la défense procède par "exagérations" et "affirmations gratuites".

"Malgré les efforts déployés par la défense pour masquer la vérité, elle n'y est pas parvenue", a déclaré Melinda Pollard.

Le procès Niyitegeka s'est déroulé devant la chambre comprenant, outre la juge Pillay, les juges norvégien Erik Mose et sénégalaise Andrésie Vaz.

AT/CE/GF/FH (NI'0228A)