14.10.2002 - TPIR/BUTARE - l'EX-MINISTRE NYIRAMASUHUKO AURAIT ORDONNE DES VIOLS, SELON UN TEMOIN

Arusha, le 14 octobre 2002 (FH) – l'ex-ministre rwandais de la famille et de la promotion féminine, Pauline Nyiramasuhuko aurait ordonné des viols, selon un témoin à charge entendu lundi, à la reprise lundi, devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), du procès de Butare. Il regroupe six personnes accusées de génocide et crimes contre l’humanité commis en province de Butare (sud du Rwanda).

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Première femme à être inculpée par une juridiction internationale, Pauline Nyiramasuhuko est également la première femme à répondre des chefs d’accusation de viol. Le parquet l’accuse notamment d’avoir encouragé des miliciens Interahamwe, dont son fils Arsène Shalom Ntahobali, co-accusé avec elle, à violer des femmes Tutsi entre avril et juillet 1994.

« Nyiramasuhuko a appelé les Interahamwe et leur a dit de sélectionner, parmi les réfugiés, des femmes et des jeunes filles puis de les violer parce qu’elles avaient auparavant refusé d’épouser des Hutus » a déclaré le quinzième témoin du parquet, dénommé « SU » pour protéger son identité.

Mme SU est une rescapée tutsie qui affirme avoir perdu tous les siens pendant le génocide de 1994. Elle avait cherché refuge au bureau préfectoral de Butare à partir du 27 mai 1994, où elle aurait vu à plusieurs reprises l’accusée venir enlever des Tutsis pour les tuer.

Le témoin, qui répondait en interrogatoire principal aux questions du représentant américain du procureur, Gregory Townsend, a indiqué qu’après les ordres de Nyiramasuhuko, des miliciens ont embarqué les jeunes femmes sélectionnées dans un véhicule pour aller les violer dans un endroit inconnu.

Mme SU a également précisé que d’autres victimes étaient violées sur place dans de vieux véhicules ou dans une maison abandonnée derrière le Centre
régional d’information de l’ORINFOR [office rwandais d’information], situé tout près du bureau préfectoral.

« C’était horrible, personne n’avait honte. Ces Interahamwe Hutu étaient comme des animaux. Même ceux qui leur donnaient des ordres s’étaient transformés en bêtes. Il n’y avait plus aucun respect pour la personne humaine » a répondu Mme SU à la question relative à la description de ces scènes de viol.

Le témoin qui a affirmé avoir été témoin de certains viols, s’est cependant refusée à décrire plus avant ces scènes, exigeant un huis clos pour de telles descriptions. Les questions relatives aux viols ont donc été reportées à une session ultérieure.

En novembre 2001, un témoin , dénommé SA, qui avait décrit en audience publique comment elle avait été violée par l’un des accusés dans ce procès, avait soulevé une vive polémique. Deux associations rwandaises de rescapés du génocide, IBUKA et AVEGA, avaient accusé les équipes de la défense de harcèlement à l’encontre de certains témoins victimes de viols.

Ces associations avaient alors décidé de rompre leurs relations avec l’institution internationale, et interdit à leurs membres de venir témoigner à Arusha. Cette « crise des témoins » avait conduit plusieurs procès, dont celui de Butare, à suspendre prématurément leurs sessions faute de témoins.

Initialement programmée du 20 mai au 11 juillet, la dernière session du procès de Butare n’avait en fait duré que trois semaines. Le procès avait été reporté six fois de suite, faute de témoins en provenance du Rwanda. La chambre avait finalement décidé de l’ajourner le 27 juin.

Débuté sur le fond le 12 juin 2001, le procès se déroule devant la deuxième chambre de première instance, présidée par le juge tanzanien William Hussein Sekule, et composée par ailleurs des juges malgache Arlette Ramaroson et Winston Achurchill Matanzima Maqutu de Lésotho.

Sont co-accusés dans ce procès, outre l'ex-ministre de la famille et de la promotion féminine, Pauline Nyiramasuhuko, son fils Arsène Shalom Ntahobali,les ex-préfets Alphonse Nteziryayo et Sylvain Nsabimana, et deux ex-maires :celui de Ngoma, Joseph Kanyabashi, et celui de Muganza, Elie Ndayambaje. Ils sont poursuivis pour génocide et crimes contre l'humanité. Ils plaident non coupables.

Le procès et la déposition de Mme SU se poursuivent mardi matin.

BN/GF/FH(BT-1014A)