16.09.2002 - TPIR/MEDIAS - LES AVOCATS RECLAMENT l'ACQUITTEMENT

Arusha, le 16 septembre, 2002 (FH) - Les avocats de trois Rwandais poursuivis pour utilisation des médias en vue du génocide ont plaidé l'acquittement à la reprise du procès, lundi, devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Suspendu le 12 juillet 2002 après la clôture de la preuve du parquet, le procès des "médias de la haine" concerne l'ancien promoteur de la Radio-télévision libre des Mille collines (RTLM), Ferdinand Nahimana, l'ancien conseiller politique au ministère des affaires étrangères et membre du comité D'initiative de la RTLM, Jean-Bosco Barayagwiza, ainsi que l'ancien directeur et rédacteur en chef de la revue Kangura, Hassan Ngeze.

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Les avocats ont tour à tour critiqué les témoignages des quarante-sept témoins cités par le parquet depuis l'ouverture du procès le 23 octobre 2000, et affirmé que l'accusation n'avait fourni aucune preuve qui pourrait amener "un juge raisonnable à établir la culpabilité" des accusés.

En plaidant cette requête, les avocats se sont basés sur un article du règlement stipulant que "si, à l'issue de la présentation par le procureur de ses moyens de preuve, la chambre de première instance conclut que ceux-ci ne suffisent pas à justifier une condamnation pour un ou plusieurs des chefs visés dans l'acte D'accusation, elle prononce, à la demande de l'accusé ou D'office, l'acquittement en ce qui concerne lesdits chefs".

"S'il était sûr des faits, le procureur n'aurait pas dû faire comparaître quarante-sept témoins", a indiqué, en substance, l'avocat américain de
Hassan Ngeze, Me John Floyd, mettant en exergue des contradictions dans les dépositions.

l'avocat italien de Jean-Bosco Barayagwiza, Me Giacomo Barletta Caldarera, a renchéri en déclarant que le procureur "a failli à son devoir" de présenter la preuve, tandis que son co-conseil, le Béninois Alfred Pognon a insisté sur la violation, selon lui, du principe de la responsabilité pénale individuelle, dans ce procès.

Me Pognon a reproché au procureur de criminaliser les institutions pour en déduire la culpabilité des individus. Or, le TPIR n’a compétence qu’à l'égard des personnes physiques, non à l'égard des institutions.

l'avocat français de Ferdinand Nahimana, Me Biju-Duval, a pour sa part allégué que le procureur entraînait la cour dans "ce jeu de patience bien connu qui s'appelle le puzzle. Un puzzle dont les pièces sont présentées - et c'est peut-être le but de ce jeu - dans le plus grand désordre". Selon Me Biju-Duval, le procureur présente des témoignages pêle-mêle et laisse à la défense et aux juges "le soin de donner à ce chaos D'éléments factuels une cohérence accusatoire." Citant un exemple de témoignage incohérent, Me Biju-Duval a déclaré que le procureur n'a eu ni "la lucidité D'abandonner, [ni] la dignité de renoncer purement et simplement à la déposition de ce témoin". Le procureur a "honte de reconnaître l'évidence", a poursuivi l'avocat français.

Le substitut américain du procureur, Stephen Rapp, a maintenu que les accusés se sont entendus pour commettre les crimes allégués et qu'ils devraient en être tenus responsables. "Vous verrez qu'il y a sans cesse des liens entre Nahimana, Barayagwiza et Ngeze.", a déclaré Stephen Rapp, expliquant qu'il s'agissait non pas "D'une entente séparée mais D'une entente unie".

Le procès des médias se déroule devant la première chambre de première instance du TPIR présidée par la juge sud-africaine Navanethem Pillay, et comprenant en outre les juges, norvégien Erik Mose, et sri-lankais Asoka de Zoysa Gunawardana.

l'affaire a été mise en délibéré. Une décision est attendue mardi à 14 heures locales (11 heures GMT). Si les avocats sont déboutés, les accusés commenceront à citer des témoins à décharge.

AT/CE/GF/FH (ME-0916A )