Après avoir débuté sur le fond le 13 mars 2001, il a été suspendu une première fois suite au décès, en mai, du juge sénégalais Laity Kama, qui en présidait les débats. Une fois la chambre recomposée, les sessions ont repris. Une seconde suspension est intervenue prématurément le 10 avril 2002, après que deux témoins à charge eurent refusé à comparaître.
Leur refus s’inscrivait dans la « crise des témoins » qui a débuté en avril. Dans le procès Kajelijeli, la défection des deux témoins était consécutive à la décision des associations des rescapés de génocide de rompre les relations avec le Tribunal. Les associations IBUKA et AVEGA, dont nombre de témoins à charge sont membres, alléguaient notamment que certains témoins étaient « harcelés » au cours de leurs dépositions à Arusha. Elles accusaient également le TPIR D'employer des personnes impliquées dans le génocide de 1994.
A la suite de cet incident, le parquet a décidé de renoncer aux témoins prévus et de clôturer sa preuve. l'accusation avait alors cité quatorze témoins. Pour autant, le parquet n'a pas renoncé définitivement à ces deux témoins. Il entend les présenter au moment opportun pour contester la défense D'alibi que compte développer l'accusé. Une conférence de mise en état prévue avant l'audience, lundi, devrait statuer sur la question.
Maire ou « homme d’affaires » ?
Juvénal Kajelijeli répond de onze chefs D'accusation de génocide, crimes contre l'humanité et de violations graves des conventions de Genève
applicables en temps de guerre.
Le parquet lui impute notamment les massacres de Tutsis perpétrés dans la commune de Mukingo et dans ses environs. Il affirme que l'accusé jouissait d’un énorme pouvoir dans sa commune et qu’il l'a utilisé pour détruire des vies humaines.
Comptable de la commune de Mukingo depuis 1980, Juvénal Kajelijeli en est devenu maire en 1988, jusqu'en février 1993. Depuis lors, et jusqu'en juin 1994, "il était homme D'affaires", selon la défense.
Celle-ci affirme qu'" il ne sera réélu maire de Mukingo que le 26 juin 1994, poste qu'il occupera pendant trois semaines", plaidant ainsi qu'il n'avait aucune responsabilité dans cette commune au cours de la période des massacres de Tutsis entre avril et mai 1994.
Enfin, la défense allègue que tous les témoins à charge ont été interrogés après l’arrestation de son client.
Juvénal Kajelijeli a d’abord été accusé dans un procès conjoint avec le président de l'ex-parti présidentiel MRND, Matthieu Ngirumpatse, et son secrétaire général Joseph Nzirorera, mais le Tribunal a ordonné un procès séparé pour l'ancien maire.
Le TPIR avait estimé que le procureur n'avait pas prouvé que ce procès collectif, dit procès des « politiques », était dans l'intérêt de la justice, et que le faire juger avec D'autres le priverait D'un procès équitable.
l'avocat américain de Juvénal Kajelijeli, Me Lennox Hinds, avait plaidé que Kajejeli avait été coaccusé avec Nzirorera pour la simple raison qu'il avait été trouvé à son domicile lors de son arrestation. Les deux hommes ont été arrêtés au Bénin en juin 1998. Me Hinds a estimé que son client se trouvait "à la mauvaise place au mauvais moment".
Me Hinds entend appeler une trentaine de témoins.
Le procès de Kajelijeli se déroule devant la deuxième chambre de première instance du TPIR présidée par le juge tanzanien William Hussein Sekule et comprenant en outre les juges malgache, Arlette Ramaroson, Winston Churchill Matanzima Maqutu du Lésotho.
La chambre alterne ce procès avec celui de l'ancien ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche scientifique et le la culture, Jean de Dieu Kamuhanda, et celui dit de Butare, dans lequel six personnes sont accusés conjointement des crimes commis dans la province de Butare (sud du Rwanda).
BN/GF/FH(KJ-0912A)