09.09.2002 - TPIR/MILITAIRES - LE PROCES DES MILITAIRES REPREND TRES LENTEMENT

Arusha, le 9 septembre, 2002 (FH) - Une semaine après la reprise du procès de quatre haut gradés des ex-Forces Armées Rwandaises (ex-FAR) devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR), les débats s'enlisent toujours sur la nature des documents que doit fournir le procureur. Déjà à la reprise, le 2 septembre, il a fallu trois jours de discussions entre le procureur et la défense avant que la chambre ne se prononce finalement sur le statut D'expert du premier témoin de l'accusation, Alison Des Forges, historienne américaine et activiste des droits de l'homme.

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La défense s'était opposée à ce que le parquet cite en premier lieu l'expert au motif que l'accusation devait D'abord jeter les bases factuelles de sa preuve devant la chambre, mais les juges ont finalement statué en faveur du procureur.

On s'attendait alors à ce que les débats redémarrent rapidement sur des questions de fond avec l'expert. Peine perdue : la défense a engagé le tribunal dans de très longs débats juridiques préliminaires à la déposition du témoin.

La défense est en effet revenue sur certains documents du parquet non encore traduits, une des raisons qui, déjà, avait conduit à l'ajournement du procès en avril dernier. Deuxième préoccupation de la défense, le procureur a déposé des rapports sans notes de bas de page, ce qui ne permet pas à la défense D'en vérifier les sources.

Résigné face à ces débats juridiques inévitables, le juge président George Williams de Saint Kitts et Nevis a concédé mercredi dernier : "On se retrouve enlisé dès le départ". "Je vous avais demandé de commencer par des témoins qui ne posent pas de problème", a-t-il fait remarquer à l'endroit du procureur, suscitant des rires de la part de la défense.

Tentant désespérément de récupérer le temps perdu, le juge président est revenu à la charge lundi, enjoignant aux conseils de la défense de ne pas se lever tour à tour pour répéter la même chose sur les mêmes questions posées devant la chambre.

Le "procès des militaires" regroupe l'ancien directeur de cabinet au ministère de la défense, le colonel Théoneste Bagosora, l'ancien responsable des opérations militaires à l'Etat major de l'armée, le général de brigade Gratien Kabiligi, l'ancien commandant de la région militaire de Gisenyi (ouest du Rwanda), le lieutenant-colonel Anatole Nsengiyumva, ainsi que l'ancien commandant du bataillon para-commando de Kigali, le major Aloys Ntabakuze. Ils sont notamment accusés D'entente en vue de commettre le génocide et de crimes de guerre.

Le parquet allègue que les quatre hauts gradés des ex-FAR sont parmi les principaux responsables de la tragédie rwandaise qui a emporté la vie D'un million de personnes D'avril à juillet 1994. Ils plaident non coupables.

Considéré par nombre d’observateurs comme « historique », ce procès capital avait déjà subi quelques avanies en avril dernier, lors de son ouverture. Les quatre accusés, « principaux responsables du génocide », selon le parquet, avaient tout simplement boycotté leur procès, tandis que l’accusation paraissait mal préparée.

L’enjeu de cette reprise du procès était donc d’importance. Accusé à de nombreuses reprises de traîner en longueur sur des dossiers de premier plan, comme le procès des militaires, le TPIR se devait de réagir. Or, d’après les observateurs, au rythme actuel des procédures, ce procès devrait durer au moins deux ans.

Ce n’est que lundi après-midi, soit une semaine après la reprise des débats, qu’Alison Des Forges, le premier témoin du parquet, a commencé à répondre à
des questions générales du parquet. Les aspects politiques et militaires du Rwanda ont été abordés. Mais les notions essentielles de responsabilité individuelle ou collective des accusés n’ont pas encore été évoquées.

Malgré les exigences de justice de la communauté internationale et des rescapés du génocide, malgré les nombreuses critiques à son encontre, dans la presse internationale comme de la part du gouvernement rwandais, le TPIR semble maintenir la tradition. Depuis sa création en 1995, la juridiction internationale n'a déjà rendu que neuf jugements, dont huit condamnations et un acquittement. Pourtant, trois des huit condamnés ont plaidé coupable de génocide, évitant ainsi des procès prolongés.

Le procès des militaires se déroule devant la troisième chambre de première instance du TPIR comprenant outre le juge Williams, les juges, slovène, Pavel Dolenc, et sénégalaise, Andrésie Vaz.

GA/GF/FH (ML-0909A)