16.07.2002 - TPIR/CYANGUGU - NTAGERURA N'AVAIT PAS LE POUVOIR D'ARRETER LES MASSACRES, SELON UN EXPE

Arusha, le 16 juillet, 2002 (FH)- Un témoin expert cité par la défense a affirmé que l'ancien ministre des transports et communications sous le gouvernement intérimaire, André Ntagerura, n'avait pas le pouvoir D'empêcher la tragédie rwandaise, lors de sa déposition mardi dans le procès du groupe Cyangugu (sud-ouest du Rwanda) en cours devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). "Il me semble difficile, dans ces moments de tension, qu'un individu ait un pouvoir nécessaire dans la mesure où le symbole est éteint", a déclaré le professeur franco-béninois, Lucien Hounkpatin, faisant allusion à la mort de l'ex-président rwandais Juvénal Habyarimana, au cours D'un attentat contre son avion, le 6 avril 1994.

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Maître de conférence à l'Université Paris VIII Saint-Denis, le témoin dépose en faveur de Ntagerura comme expert en ethno-psychiâtrie.
Selon l'expert, le décès de Juvénal Habyarimana a conduit à une psychose et à une hystérie collectives, dont le résultat a été les massacres à grande
échelle perpétrés entre avril et juin 1994.

A la question de savoir si le gouvernement intérimaire, dont l'accusé faisait partie, ne pouvait pas arrêter les tueries, l'expert a répondu que
le pays s'est retrouvé "dans une situation de l'entre-deux", qu'il fallait un temps de latence et de transformation pour récupérer le symbole perdu,
mais que cela n'était pas possible en raison du conflit armé qui prévalait à ce moment là. "Les structures étatiques étaient dans une dysfonction, il
n'y avait pas de structures nécessaires pour assurer la sécurité des individus", a-t-il dit, avant de conclure que dans ces conditions, "il est
donc difficile D'attribuer une responsabilité à un individu".

Le professeur Hounkpatin a au cours de ses recherches psychiâtriques sur le Rwanda a rencontré une soixantaine de personnes environ. Il a également
suivi une quinzaine de patients rwandais depuis le génocide de 1994.

Le représentant ougandais du parquet, Richard Karegyesa, a fait valoir que les conclusions de l'expert sont des "spéculations qui manquent
D'originalité", et que le chercheur ne dispose pas D'éléments suffisants pour émettre une opinion sur le drame rwandais. Le témoin, qui n'a jamais
été au Rwanda, a répliqué que son analyse "ne procède pas par des a prioris" Le professeur Hounkpatin est l'unique témoin expert cité
par Ntagerura, les trois autres pressentis nônt pas été autorisés à déposer.

André Ntagerura est co-accusé avec l'ancien préfet de Cyangugu, Emmanuel Bagambiki, ainsi que l'ex-commandant de la garnison militaire de Karambo à
Cyangugu, le lieutenant Samuel Imanishimwe. Ils sont poursuivis pour génocide et crimes contre l'humanité. Ils plaident non-coupables.
Mardi matin, la chambre a autorisé la défense de Ntagerura à recueillir la déposition D'un témoin des faits dénommé "K1H" au siège du Tribunal pénal
international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) à la Haye (Pays Bas) "au plus tard le 30 juillet".

La défense avait avait auparavant plaidé une requête aux fins de citer ce témoin par vidéo-conférence, mais les juges ont estimé que cela posait des
problèmes au niveau de la technique.

Le témoin ne peut pas faire le déplacement D'Arusha pour des raisons de santé. Son témoignage sera centré sur les missions effectuées par Ntagerura
entre le 6 avril et le 10 juillet 1994.

Le procès du groupe Cyangugu se déroule devant la troisième chambre de première instance du TPIR, présidée par le juge de Saint-Kitts et Nevis,
George Lloyd Williams, et comprenant en outre les juges, russe Yakov Ostrovsky et slovène Pavel Dolenc.

Le professeur Hounkpatin devrait terminer sa déposition mercredi matin. Ntagerura témoignera ensuite pour sa propre défense.
GA/AT/DO/FH (CY-0716A)