11.07.2002 - TPIR/MEDIAS - NAHIMANA N'EST PAS FONDATEUR DE LA REVUE KANGURA, SELON SON AVOCAT

Arusha, le 11 juillet, 2002 (FH) - La défense de l'ancien promoteur de la Radio-télévision des Mille collines (RTLM), Ferdinand Nahimana, a mis au défi un expert du parquet de prouver que l'accusé est parmi les fondateurs de la revue Kangura, jeudi, dans le procès des anciens responsables des "médias de la haine" en cours devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Dans un rapport rédigé à la demande du parquet du TPIR, l'historien rwandais Marcel Kabanda avait affirmé que Ferdinand Nahimana avait participé à la création de la revue accusée D'extrémisme Kangura, aux côtés de quelques officiers de l'ex-armée rwandaise.

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Ces propos avaient été pour la première fois exprimés dans un ouvrage collectif publié en 1995, sous la direction de l'historien français Jean-Pierre Chrétien, auquel a collaboré Marcel Kabanda.

l'avocat français de Ferdinand Nahimana, Me Jean-Marie Biju Duval, a indiqué que l'expert se contentait de "colporter une rumeur non vérifiée".

Me Biju-Duval a plaidé "l'incapacité D'étayer par référence à des documents et des témoignages" que son client était un des fondateurs de ladite revue, qualifiant la position de l'expert de simple "imagination".

Marcel Kabanda a maintenu que ses conclusions avaient été tirées sur base D'une enquête menée au Rwanda, mais il est resté vague au sujet de ses sources D'informations.

Ferdinand Nahimana est coaccusé avec l'ancien directeur et rédacteur en chef de la revue Kangura, Hassan Ngeze, ainsi que l'ancien conseiller politique au ministère des affaires étrangères et membre du comité D'initiative de la RTLM, Jean-Bosco Barayagwiza. Ils sont notamment poursuivis pour entente et incitation à commettre le génocide. Ils plaident non coupables.
Me Biju-Duval a soutenu que Ferdinand Nahimana n'a jamais été en bons termes avec Hassan Ngeze.

l'avocat français a donné pour exemple le fait que Nahimana a interdit la publicité de Kangura sur les antennes de Radio Rwanda, quand il a été nommé directeur de l'Office rwandais D'information (ORINFOR), qui gérait les médias D'Etat.

Me Biju-Duval a par ailleurs indiqué qu'à la même époque, un des journaux de l'Etat, a qualifié les "dix commandents des Hutus" publiés dans Kangura, de "tract qui n'honore pas la presse rwandaise".

l'avocat de Nahimana a en outre relevé que Kangura a diffusé de nombreuses attaques violentes contre la personne de son client, qui visaient à le "décrébiliser, faire en sorte que l'intéressé voit sa carrière brisée".

Me Biju Duval a critiqué l'expert pour avoir omis ces aspects dans son rapport. Marcel Kabanda a répondu: "Je ne les avais pas pris au sérieux".

"Vous n'avez réfléchi que dans une seule direction, vous avez omis de votre rapport tout ce qui pouvait compliquer votre tâche", lui a, pour sa part, suggéré Me Biju Duval.

"Je n'ai pas réfléchi assez, ce n'est pas parce que ça me dérangeait vraiement", a indiqué Marcel Kabanda.

l'expert du parquet a ajouté que "dans Kangura, il ya un processus de chantage politique.[…] La manière dont Nahimana est traité dans Kangura ressemble à un chantage politique".

l'historien rwandais a rédigé un rapport intitule: "Kangura, le média de la haine et du complot en vue du génocide", à la demande du parquet. La défense estime que ce rapport est "biaisé". Me Biju Duval a déclaré que l'expert avait une grille de lecture des événements qui lui est personnelle.

Me Biju Duval a en outre plaidé que Hassan Ngeze n'avait jamais été associé au projet RTLM. "Il en connaît le but réel, et il n'est pas contesté", a déclaré Marcel Kabanda. Me Biju-Duval a indiqué que, étant donné la prolifération des journaux au Rwanda dans les années 1990, on ne pouvait démentir tout le temps ce qui paraissait dans la presse.

Le procès des médias se déroule devant la première chambre de première chambre de première instance du TPIR présidée par la juge sud-africaine Navanethem Pillay et composée en outre des juges, norvégien Erik Mose, et sri-lankais Asoka de Zoysa Gunawardana. Le parquet devrait clôturer sa preuve le 12 juillet. Ce procès a commencé en octobre 2000.
AT/DO/FH (ME-0711B )