11.07.2002 - TPIR/CYANGUGU - NTAGERURA EST ACCUSE POUR UN COMPLOT QUI N'A PAS EXISTE, SELON UN TEMOI

Arusha, le 11 juillet 2002(FH)- l'ex-ministre rwandais des transports, André Ntagerura, une des personnes accusées des crimes commis en province de Cyangugu (sud-ouest du Rwanda), est accusé D'un complot qui n'a jamais existé, a déclaré un témoin à décharge, jeudi devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda(TPIR). Le témoin, Antoine Nyetera, est un Tutsi rwandais de la lignée royale, que la défense avait voulu D'abord présenter comme expert, mais la chambre a décidé de l'entendre comme témoin des faits.

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"Le complot dont il[Ntagerura] est accusé est un complot inexistant, parce que jusqu'aujourD'hui, le Tribunal pénal international pour le Rwanda, du moins le procureur, n'a pas trouvé la preuve D'un complot de génocide ni dans le temps ni dans l'espace" a dit M. Nyetera, clamant l'innocence de l'accusé.

"Si tel était le cas, aucun Tutsi n'aurait survécu" a expliqué le témoin, déclarant que "jusqu'aujourD'hui, le Tribunal ne marche que sur des hypothèses, sur des opinions".

Pour Nyetera "il y a des civils tutsis qui ont été tués par le FPR [Front patriotique rwandais, ex-rébellion à majorité tutsie, alors en guerre contre le gouvernement ], et il y a des Tutsis dont la complicité avec le FPR était notoire qui ont été tués par les Hutus".
Le témoin a ajouté que le FPR avait infiltré le pays avant l'attaque D'octobre 1990 et que certains Tutsi avaient envoyé leurs enfants au FPR tandis que D'autres l'avaient financé. Selon lui, ce sont cette catégorie de Tutsis qui ont été tués par des Hutus en 1994.

Interrogé par le représentant du parquet, la Tanzanienne Holo Makwaia, si des innocents n'avaient pas été tués ou si des bébés massacrés étaient également des complices, le témoin a admis qu'"il y a eu débordement, la situation étant devenue pourrie, gâtée" suite à l'intensification des combats par le FPR.

Antoine Nyetera a par ailleurs soutenu que "quand deux familles, deux races, s'affrontent, il y a toujours des innocents qui meurent"."Une bombe lancée sur Hiroshima, ne va pas se soucier des femmes enceintes, par exemple" a-t-il illustré.

Le témoin a en outre indiqué qu"il est très difficile D'établir réellement qui a tué un tel, car même les combattants du FPR portaient des uniformes de l'armée gouvernementale, avec des médaillons portant l'effigie du président Juvénal Habyarimana".

Antoine Nyetera a déclaré qu'avant avril 1994, il n'avait jamais vu les Interahamwe [aile jeunesse de l'ex-parti présidentiel] portant des armes.

Pour Nyetera, c'est seulement après que l'ex-premier ministre sous le gouvernement intérimaire de 1994, Jean Kambanda, ait décrété la défense civile que toute la jeunesse, tous les partis politiques confondus, s'est armée pour l'auto-défense.

C'est le vide du pouvoir après le 6 avril 1994, qui aurait aggravé la situation, selon le témoin. " Le pays était géré par les voyous. Le pouvoir était dans la rue, les jeunes l'ont ramassé et en ont fait ceux qu'ils ont voulu", a affirmé Antoine Nyetera.

Revenant sur l'innocence de l'ex-ministre Ntagerura, le témoin a expliqué que ce dernier, qu'il connaissait bien, avait toujours été en bons termes avec les Tutsis, ajoutant que l'ex-ministre est également innocenté par un alibi, parce qu'à certains moments" il n'était pas dans le pays, encore moins dans sa préfecture D'origine".

André Ntagerura est co-accusé avec l'ex-préfet de Cyangugu Emmanuel Bagambiki, et l'ex-commandant de la garnison militaire de Karambo à Cyangugu, Samuel Imanishimwe. Ils sont poursuivis pour génocide et crimes contre l'humanité.Ils plaident non coupables.

Ils sont jugés par la troisième chambre de première instance, présidée par le juge Georges Lloyd Williams de Saint-Kitts et Nevis, et composée en outre des juges russe, Yakov Ostrovsky, et slovène Pavel Dolenc.

Le procès devrait se poursuivre lundi prochain avec l'audition D'un autre témoin pour la défense de Ntagerura.
BN/AT/DO/FH(CY-0711A)