M. DAL a expliqué qu’au déclenchement des massacres le 7 avril, il se trouvait en commune Giti, dans la province de Byumba (est du Rwanda), et qu’il avait rencontré l’accusé au rond-point de Kigali, de retour d’une réunion convoquée par le préfet de Kigali-ville, alors que lui-même cherchait un moyen de transport pour regagner son poste d’attache à Gisenyi (nord ouest du Rwanda).
Kamuhanda était escorté par quatre militaires, selon le témoin, et c'est l'un de ces militaires qui aurait dit au témoin qu'il escortait le ministre Jean de Dieu Kamuhanda.
"Arrivé au barrage routier de Nyabugogo [au nord de la ville de Kigali], Kamuhanda s’est adressé aux Interahamwe qui le tenaient. Il leur a dit, après avoir constaté que des cadavres étaient entassés à côté de ce barrage :’Vous avez fait du bon travail, jeunes gens", a rapporté le témoin.
M. DAL, après avoir précisé qu'ils avaient passé une dizaine de barrages routiers au cours de leur trajet vers Gitarama [centre du Rwanda], a ajouté: "Au cours de notre voyage, quand nous arrivions à un barrage routier, il [Kamuhanda] disait aux Interahamwe [milice de l’ex-parti présidentiel :courage, ne cédez pas à la fatigue!’ Et à certains barrages, il leur demandait s’ils avaient assez d’armes. Il leur disait de ne laisser personne passer sans exhiber les pièces D'identité".
Le témoin a déclaré qu'à chacun de ces barrages, l'accusé se présentait :"je suis le ministre Kamuhanda, laissez-nous passer, et il ne leur présentait pas ses pièces, parce qu'il était escorté".
Avant le contre-interrogatoire, l'avocate guinéenne de Kamuhanda, Me Aicha Condé, a demandé au procureur de lui communiquer deux déclarations non-caviardées, antérieures à celle déposée au dossier. La défense entendait relever des contradictions et incohérences du témoin à partir de ces déclarations.
Il s'agit D'une déclaration de M. DAL à une commission rogatoire belge en août 1995, et de celle faite aux enquêteurs du TPIR en mai 1999, que la défense avait obtenue par ses propres moyens, alors qu'elle aurait dû les recevoir du procureur.
"Ce témoin est interessant parce que dans les trois déclarations il se place à trois endroits différents au même moment" a dit Me Condé en réclamant ces documents, et en accusant le parquet D'avoir fait montre de "déloyauté" en ne communiquant pas ces pièces.
Une brève pause a été nécessaire pour que la défense et le parquet se concertent sur le sujet, et au retour, le procureur a déclaré qu'il ne pouvait communiquer ces documents dans leur intégralité, parce qu'ils "comportent des noms des gens encore sous investigation."
La défense a commencé le contre-interrogatoire sur la déposition du témoin au prétoire et a soulevé quelques incohérences. Me Condé a notamment fait remarquer que l'homme avec qui le témoin aurait fait le voyage autour du 21 avril ne pouvait être Kamuhanda, puisque celui-ci n'avait été nommé ministre que le 25 mai 1994.
La chambre a dû suspendre les débats une nouvelle fois pour permettre aux deux parties de s'entendre sur ce problème. Le parquet est représenté par l'Irlandais Marks Moore.
Le procès se déroule devant la deuxième chambre de première instance du TPIR présidée par le juge tanzanien William Hussein Sekule, et composée en outre des juges, malgache Arlette Ramaroson et lesothan Winston Churchill Matanzima Maqutu.
BN/AT/GF/FH(KH-0513A)