06.05.2002 - TPIR/KAMUHANDA - UN TEMOIN A CHARGE CONTRE KAMUHANDA ECHOUE A IDENTIFIER l'ACCUSE

Arusha 6 mai 2002 (FH) - La défense de l’ex-ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de la culture sous le gouvernement intérimaire, Jean de Dieu Kamuhanda, dont le procès a repris lundi devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda(TPIR), a défié le vingt-cinquième témoin du parquet, qui affirmait que l’accusé était membre du gouvernement dès les années 1992. Présenté sous le pseudonyme "GKL" pour protéger son identité, le témoin est un rescapé tutsi originaire de la commune Rubungo, voisine de celle de Gikomero [province de Kigali rural,centre du Rwanda] où l’accusé aurait commis les crimes allégués.

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M.GKL a affirmé qu’il avait connu Kamuhanda dès1992. Le témoin était alors écolier à Gikomero."Ce sont mes condisciples originaires de Gikomero qui m’ont appris qu’il était ministre.Je l’ai vu quatre fois avec le bourgmestre [maire] Télésphore Rutaganira au bureau communal de Gikomero, quand je me promenais avec mes camarades écoliers", a affirmé le témoin qui s’exprimait dans sa langue maternelle le kinyarwanda.

Le témoin a par ailleurs déclaré que cela lui avait été confirmé en 1994 par deux "ingénieurs travaillant à Kigali, à savoir Muyango et Michel Kananga" qui se sont enfuis avec lui lorsqu’ils ont, selon lui, aperçu l’accusé à un barrage routier à un endroit appelé Kayanga, le 10 avril.

"Je te dis que Kamuhanda n’était pas ministre en 1992, ni en 1993 ni même en date du 9 ou du 10 avril 1994. C’est pourquoi je persiste à te dire que ce n’est pas Kamuhanda que tu as vu que ce soit à Gikomero, ni au barrage routier de Kayanga", lui a suggéré la Guinéenne Me Aicha Condé, avocate principale de l’accusé.

Jean de Dieu Kamuhanda a été nommé ministre le 25 mai 1994.

Me Condé a poursuivi son défi en suggérant au témoin que Kamuhanda ne pouvait se trouver au bureau communal de Gikomero en 1992 "puisqu’il travaillait à l’IRST [Institut de recherche scientifique et technologique ] à Butare [sud du Rwanda]". Elle a par ailleurs ajouté que son client ne pouvait être, au cours de cette période, en compagnie de Rutaganira, car ce dernier "est devenu bourgmestre de Gikomero en août 1993".

Le témoin a toutefois maintenu que Kamuhanda était ministre à ces dates, et que c’est lui qu’il avait vu, et qu’il ne pouvait dire des mensonges "en bon
chrétien que je suis"

Au cours de l’interrogatoire principal mené par le représentant irlandais du parquet , Marks Moore, le témoin avait indiqué avoir trouvé l’accusé à un barrage routier à Kayanga "en compagnie de miliciens Interahamwe [milice de l’ex-parti présidentiel MRND], et de policiers. C’est Kamuhanda qui dirigeait ce barrage, je n’étais pas le seul à le constater".

Kamuhanda aurait conseillé aux fugitifs de se réfugier à la paroisse de Gishaka, ou leur sécurité serait assurée, selon les dires du témoin. M.GKL avait par ailleurs affirmé qu’il avait vu l’accusé à ladite paroisse au matin du 11 avril 1994, circulant autour des réfugiés "les mains dans les poches". Bien qu’il n’ ait alors rien fait, "il était en compagnie des Interahamwe qui dépouillaient les réfugiés de leurs biens. Apparemment ils le faisaient sous son autorité, c’est lui qui leur en avait donné l’ordre", a déclaré M.GKL.

Le témoin a indiqué qu’il y avait eu des tueries à la paroisse de Gishaka ce jour là. "Je doute qu’il y ait eu des exactions à Gishaka le 10 et le 11 avril, et que Kamuhanda ait posé les pieds à Gishaka au cours de cette période", a plaidé Me Condé. "C’est moi qui était là et non l’avocate de Kamuhanda" a rétorqué le témoin.

Le témoin n’a pas pu reconnaître l’accusé quant il lui a été demandé de l’identifier dans la salle d’audience. "Je ne suis pas en mesure de le reconnaître. Cela fait longtemps, peut-être qu’il a changé" a-t-il dit après avoir fait, du regard, le tour du prétoire.

Le procès Kamuhanda se déroule devant la deuxième chambre de première instance du TPIR présidée par le juge tanzanien William Hussein Sekule, et composée en outre des juges, malgache Arlette Ramaroson et lesothan Winston Churchill Matanzima Maqutu.

Le procès devrait se poursuivre mardi avec la déposition du vingt-sixième témoin du parquet. Il avait été suspendu au mois de février. Il alterne avec deux autres devant la deuxième chambre.

BN/AT/GF/FH(KH-0506A)