"Nous allons nous concentrer sur la réplique, sur les critiques de l'alibi par le procureur", a indiqué l'avocat béninois, Me Sadikou Alao, co-conseil de Laurent Semanza.
Le substitut canado-nigerian du procureur, Chile Eboe-Osuji, a clôturé ses moyens de preuve en réplique mardi dernier, avec la déposition D'un témoin protégé dénommé "XXK". Celui-ci a déposé entièrement à huis clos.
Le procureur avait commencé a présenter ses moyens en réplique le 15 avril dernier, cherchant à détruire la défense D'alibi développée par l'accusé. Des six témoins initialement prévus sur sa liste, Osuji n'en a appelé que trois : deux témoins protégés et un expert, le sociologue français André Guichaoua.
Laurent Semanza est poursuivi pour des massacres de Tutsis à Bicumbi et dans la commune voisine de Gikoro en 1994. Le parquet situe l'essentiel de ses allégations entre le 9 et le 13 avril 1994, alors que Semanza affirme avoir quitté sa résidence dans la nuit du 8 au 9 avril, en direction de Gitarama (centre du Rwanda).
Un témoin désigné par les lettres "DCH" pour protéger son identité a affirmé avoir participé, avec l'accusé, à des attaques contre des Tutsis "entre le 8 et le 12 avril 1994" sur un barrage routier au lieu-dit Kabuga, ainsi que le 15 et le 16 avril à l'église de Ruhanga à Gikoro.
Le témoin a en outre affirmé avoir vu Semanza à l'hôtel des Diplomates à Kigali "entre le 25 et le 30 avril 1994", puis à Gitarama "fin avril- début mai ". André Guichaoua a quant à lui indiqué que l'accusé aurait quitté Bicumbi entre le 19 et le 20 avril 1994 sous l'avancée de l'ex-mouvement rebelle, le Front patriotique rwandais (FPR). Lors de sa déposition précédente, en avril 2001, Guichaoua avait indiqué que Semanza était à Gitarama "le 20 mai ou aux environs de cette date", et qu'il participait aux réunions du gouvernement intérimaire qui s'y était installé à partir du 11 avril 1994.
"Cela n'exclut pas que Semanza ait pu se rendre à Bicumbi à des dates autres que celles que J'ai mentionnées", a déclaré l'expert du parquet, indiquant que les autorités faisaient des navettes entre Murambi, le siège du gouvernement intérimaire, Gisenyi (ouest) et Kigali.
Concernant la mention "le 9 avril 1994", dont l'accusé affirme qu'elle a été biffée de la déclaration qu'il avait faite aux autorités judiciaires du Cameroun lors de son arrestation en mars 1996, le parquet entendait prouver, à l'aide du Kenyan Antipas Nyanjwa, inspecteur de police et expert en criminologie et en médecine légale, que la déclaration "caviardée" ne comporte pas de date.
Me Alao a soutenu qu'il est clair, à l'œil nu, que le document ne comporte pas de date. "Le procureur n'avait pas besoin D'aller à Nairobi pour lire ce que nous avions tous lu il y a trois mois", a-t-il dit, faisant valoir que "le document utilisé pour l'expertise n'est pas celui qui devrait être utilisé".
La chambre a constaté que "les deux parties conviennent que le document (caviardé) n'indique pas le jour du mois D'avril (1994)" et conclut que "le procureur n'a plus de témoin en contre preuve". Le parquet avait déjà renoncé au témoins "XXL", ainsi qu'au procureur camerounais Messina Teme.
Avant que la chambre ne suspende les débats, Me Alao a averti qu'en vue de respecter les délais prescrits, le greffe devrait sans tarder s'assurer que la défense dispose de ressources nécessaires pour contacter et faire voyager les témoins.
Le procès Semanza s'est ouvert sur le fond le 16 octobre 2000. Il se déroule devant la troisième chambre de première instance u TPIR présidée, dans cette affaire, par le juge russe Yakov Ostrovsky, et comprenant par ailleurs les juges George Williams de Saint Kitts et Nevis, et Pavel Dolenc de Slovénie.
GA/AT/GF/FH (SE-0425A)