Son procès s'est ouvert sur le fond le 2 avril dernier mais il a été immédiatement suspendu jusqu'en septembre. "Entre l'arrestation de Bagosora et l'ouverture de son procès, il s'est déroulé 6 ans et un mois", fait remarquer son avocat français Me Raphaël Constant, rejetant la responsabilité de ce retard sur le procureur du TPIR.
Me Constant affirme que si le procès n'a pas pu commencer comme initialement prévu en 1997, "c'est du fait du procureur qui n'avait pas communiqué ses pièces", ajoutant que ce dernier avait introduit une demande de jonction en 1998, ainsi qu'une requête en modification de l'acte D'accusation, et que la chambre de première instance avait fait droit à sa demande D'ajournement de l'ouverture du procès.
"D'août 1998 à juin 2000, le procès […] n'a pu commencer, le Tribunal ayant délibéré pendant deux ans sur les deux requêtes du procureur", écrit Me Constant, expliquant que depuis lors, la chambre n'allait fixer la date du 2 avril 2002 qu'en juin 2001.
"Pendant cette période, M.Bagosora n'a déposé qu'une requête concernant une divulgation de preuve sur l'attentat contre l'avion présidentiel du 6 avril 1994 , mais ceci n'a pu en aucune façon retarder la date D'ouverture du procès", écrit Me Constant. "Il est donc clair que le délai déraisonnable pour voir le requérant être jugé ne peut en aucune façon lui être imputé", fait-il observer.
Me Constant se plaint de plus que même la date du 2 avril à laquelle le procès devait débuter n'était que "symbolique", le procureur n'ayant pas pu communiquer à la défense les pièces requises à temps ou dans la langue de travail du conseil et de son client pour que les débats commencent effectivement sur le fond .
Ce jour-là, la défense avait accusé le parquet de vouloir faire "un show médiatique".
Le procureur ayant annoncé qu'il entend citer 255 témoins dans cette affaire, Me Constant affirme que "même si cette liste était réduite", la seule preuve du parquet durera "plusieurs mois sinon plusieurs années", réfutant par là la position de la chambre qui a estimé à deux ans la durée approximative du procès. "Elle [la chambre] est déraisonnablement optimiste", souligne l'avocat.
La défense se plaint que "au regard du temps passé en détention préventive, il est donc certain que Bagosora ne connaîtra pas son sort judiciaire moins de huit ans après son incarcération".
"Quand on compare cette situation à des situations similaires, on constate que jamais la justice n'a pris autant de temps pour statuer sur une affaire", souligne encore l'avocat, s'appuyant sur des exemples tirés des procès de Nuremberg, de Tokyo ou de ceux qui se déroulent au Tribunal de l'ONU pour l'ex-Yougoslavie.
Contacter le pays hôte ?
Me Constant avance que tous les grands systèmes juridiques sanctionnent la violation du délai raisonnable pour juger un citoyen. "En cours de procédure, la principale sanction est la mise en liberté", écrit-il, enjoignant à la juridiction internationale D'"ordonner la mise en liberté de Bagosora et lui permettre D'assister libre à son procès".
Me Constant indique que son client sollicite que le Royaume de Hollande, où vivent son épouse et une partie de ses enfants, soit entendu dans cette affaire : "Il entend s'y installer pendant les périodes où les audiences de son procès ne se tiendront pas", soutient l'avocat, expliquant que les conditions relatives à la présentation de l'accusé devant la juridiction et la non mise en danger de témoins ou de victimes seront parfaitement remplies dans un pays comme la Hollande qui est un état démocratique où règne le droit.
La défense indique qu'au cas où la chambre fairait droit à sa requête, "Bagosora prend l'engagement de se rendre au siège du TPIR à Arusha" pour son procès. "Il ne s'oppose pas au fait que sa mise en liberté (provisoire) soit assortie D'un contrôle judiciaire strict", conclut Me Constant.
Le colonel Bagosora est coaccusé avec l'ancien commandant de la région militaire de Gisenyi (ouest du Rwanda), le lieutenant-colonel Anatole Nsengiyumva, l'ancien commandant du bataillon para-commando de Kigali, le major Aloys Ntabakuze, ainsi que l'ancien responsable des opérations militaires à l'état-major de l'armée rwandaise, le général de brigade Gratien Kabiligi.
Le procès de ces quatre hauts gradés de l'ex-armée rwandaise se déroule devant la troisième chambre de première instance du TPIR, présidée par le juge de Saint-Kitts et Nevis, George Williams, et comprenant en outre les juges, slovène Pavel Dolenc, et sénégalaise Andrésie Vaz.
GA/AT/GF/FH (ML-0410A)