De grande taille, vêtu D'un costume de couleur sombre et D'une cravate bariolée, Simon Bikindi a répété, D'une voix ferme, à la lecture de chacun des chefs D'accusation retenus contre lui: "Fidèlement et honnêtement à la justice, je plaide non coupable".
Six chefs D'accusation avaient initialement été retenus contre l'accusé, mais le juge slovène Pavel Dolenc a annoncé en début de l'audience que le chef de complicité dans le génocide avait été retiré.
Le parquet allègue que "Simon Bikindi s'est entendu avec le chef D'Etat Juvénal Habyarimana, le ministre de la jeunesse et des sports Callixte Nzabonimana, le chef des Interahamwe au niveau national Robert Kajuga, les responsables politiques nationaux du MRND (l'ex-parti au pouvoir), tels que Mathieu Ngirumpatse et Joseph Nzirorera, et les chefs militaires affiliés au MRND tels que Théoneste Bagosora, en vue de militariser l'aile jeunesse du MRND, les Interahamwe, de leur inculquer une idéologie anti-tutsie et de faire de la propagande anti-tutsie".
l'artiste rwandais aurait participé à la campagne visant à vaincre médiatiquement l'ennemi, en collaborant notamment avec Ferdinand Nahimana, Jean Bosco Barayagwiza, Félicien Kabuga, André Ntagerura, Georges Rutaganda et Joseph Nzirorera, "dans le but de lancer la Radio-Télévision Libre des Milles Collines (RTLM), une station de radio privée alignée sur les courants politiques extrémistes du MRND et de la CDR (Coalition pour la Défense de la République)".
Nahimana et Barayagwiza, deux des responsables présumés de la RTLM, co-accusés avec le directeur et rédacteur en chef de la revue Kangura, Hassan Ngeze, sont poursuivis par le TPIR dans le cadre du procès des "/medias de la haine". Ntagerura, quant à lui, est jugé dans le procès du groupe Cyangugu(sud-ouest du Rwanda), tandis que Rutaganda, dont le dossier est en appel, a été condamné à l'emprisonnement à vie en première instance.
l'accusation indique que la RTLM avait été conçue comme une alternative à Radio Rwanda, soumise aux restrictions de programmation imposées par l'ORINFOR (Office Rwandais D'Information) et le ministère de l'information. Elle diffusait notamment des chansons de Bikindi visant à véhiculer la propagande anti-tutsie, ajoute l'accusation.
"Les programmes diffusés par la RTLM et les enregistrements musicaux interprétés par Simon Bikindi avaient les mêmes objectifs: mobiliser les auditeurs, notamment les miliciens civils, les forces armées gouvernementales et les masses paysannes hutues rwandaises, prôner la solidarité entre Hutus et faire passer les Tutsis pour les complices de l'ennemi", précise l'acte D'accusation.
Le parquet allègue qu'entre avril et juillet 1994, la RTLM passait plusieurs fois par jour les compositions de Simon Bikindi, dont les plus célèbres étaient Bene Sebahizi (les fils du père des cultivateurs) et Nanga Abahutu (je hais ces Hutus).
"A l'instar de ses compositions musicales et des représentations en direct qu'il donnait, les activités menées par Simon Bikindi aux fins du recrutement et de l'entraînement des Interahamwe, de même que l'autorité qu'il exerçait sur ceux-ci, constituaient des éléments du plan de mobilisation des milices civiles visant à détruire, en tout ou en partie, les tusies", note encore le parquet.
Bikindi aurait commencé à composer et à diffuser des chansons prônant la solidarité entre Hutus de 1990 à 1994, faisant passer les Tutsis pour les asservisseurs des Hutus. Il aurait interprété ses compositions musicales lors des réunions des Interahamwe ou des meetings des partis politiques du MRND ou de la CDR.
"Simon Bikindi circulait souvent dans la ville de Gisenyi et dans la commune de Rwerere à bord D'un véhicule équipé D'un système de haut-parleurs et interprétait ses compositions ou diffusait leur enregistrement. Les sessions D'animation de Simon Bikindi […] étaient souvent le prélude à la commission D'actes de violence anti-tutsie", souligne la poursuite.
l'accusé aurait par ailleurs ordonné aux Interahamwe de tuer un groupe de femmes qui tentaient de franchir la frontière pour se réfugier dans l'ex-Zaïre, "à une date indéterminée du mois de juin de 1994, à la frontière entre Gisenyi et le Zaïre, suite aux instructions du colonel Anatole Nsengiyumva", l'ancien chef des opérations militaires dans cette région, co-accusé avec trois autres hauts officiers de l'ancien armée rwandaise, dont le procès s'est ouvert sur le fond mardi dernier devant le TPIR.
l'accusé aurait, début juillet 94, "encouragé la mise à mort D'une femme tutsie prénommée Ancilla, en disant à Noël et Pascal, deux de ses Interahamwe, qu'elle faisait partie de ceux qui combattaient les Hutus et qu'elle devait être emmenée (tuée)". Les deux hommes auraient tué la femme et sa fille de quatre ans et les auraient enterrées "dans une tombe peu profonde".
l'artiste rwandais aurait également, à la suite de la défaite militaire des ex-Forces armées rwandaises (ex-FAR) et du repli du gouvernement intérimaire sur l'ex-Zaïre, continué à composer et à interpréter des chansons anti-tutsies et à collaborer avec les chefs militaires des ex-FAR et les anciens responsables du gouvernement affiliés au MRND, "afin de poursuivre la campagne anti-tutsie en vue de reconquérir le pouvoir".
Simon Bikindi est né dans la commune de Rwerere, en province de Gisenyi (ouest du Rwanda). Au moment des faits qui lui sont reprochés , il travaillait au ministère de la jeunesse et était responsable du ballet folklorique "Irindiro".
Le musicien rwandais était représenté par un conseil de permanence, l'avocat tanzanien D'origine indienne Me Bharat Chadha.
GA/AT/GF/FH (BK-0404A)