14.03.2002 - TPIR/BUTARE - L’EX-PREFET NTEZIRYAYO AURAIT ORDONNE DES MASSACRES A MUGUSA

Arusha 14 mars 2002 (FH) - L’ex-préfet de la province de Butare, Alphonse Nteziryayo, une des six personnes accusées des crimes de génocide commis dans cette région, aurait distribué des armes et ordonné des massacres de Tutsis dans la commune de Mugusa, a affirmé le huitième témoin du parquet, entendu jeudi devant le Tribunal pénal intenational pour le Rwanda (TPIR). Désigné sous le pseudonyme "QBV" pour protéger son identité, le témoin, comme celui qui l’a précédé, est un détenu qui attend sa sentence après avoir plaidé coupable devant la justice rwandaise.

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QBV a affirmé que le 22 avril 1994, alors qu'il était sur un barrage routier entre les communes de Mugusa et de Shyanda, l’ex-préfet serait venu en compagnie du colonel Tharcisse Muvunyi [ex-commandant de l’Ecole des sous-officiers de Butare, également détenu à Arusha], et leur aurait livré des armes et des munitions.
"Le colonel Muvunyi s’est dirigé vers le véhicule. Il a pris trois fusils […] et les a remis à Nteziryayo qui les a passés au conseiller communal. Muvunyi a par la suite pris une caisse de cartouches qu’il a remise à Nteziryayo, qui l’a passée également au conseiller", a rapporté le témoin.

Une caisse de grenades leur aurait également été remise à cette occasion, de même qu’une caisse de boîtes d’allumettes "pour brûler les maisons des Tutsis".

Après la distribution de ces armes, Alphonse Nteziryayo, leur aurait ordonné de les utiliser pour tuer une cinquantaine de Tutsis qui s’étaient réfugiés près de ce barrage routier. Il aurait en outre ordonné au conseiller d’augmenter le nombre des barrages routiers dans le secteur.

L’accusé se serait ensuite rendu au bureau communal de Mugusa, toujours en compagnie de Muvunyi, et y aurait dirigé une réunion au cours de laquelle il se serait plaint que "toutes les autres communes ont déjà fini de tuer les Tutsis, c’est ici à Mugusa et dans la commune de Muyaga que vous continuez à les protéger !"

Mise à mort D'un conseiller communal

"Vers 19h00, les soldats venus avec Muvunyi et Nteziryayo et les policiers communaux s’en sont pris aux Tutsis qui s’étaient réfugiés dans la commune et les ont tués par balles" a indiqué M.QBV. Ils étaient environ deux cents, selon ses estimations.

Le témoin a en outre déclaré qu’entre mai et juin 1994, alors qu’il était devenu préfet, Alphonse Nteziryayo aurait tenu une réunion au bureau communal de Mugusa, au cours de laquelle il aurait ordonné la mise à mort d’un conseiller communal tutsi, Vincent Nkulikiyinka, qui avait été jusque-là épargné par le bourgmestre.

Au cours de la même réunion, Nteziryayo aurait trompé la population en disant qu’il fallait rassurer les Tutsis encore cachés, que les tueries avaient pris fin et qu’ils devraient se rendre à l’ISAR Rubona, où leur sécurité serait assurée. Tous ceux qui s’y sont rendus ont par la suite été massacrés par les militaires, selon M.QBV.

Le témoin repenti qui, en interrogatoire principal, répondait aux questions du substitut américain du procureur Gregory Townsend, a indiqué à la cour : “J’ai tué parce que Nteziryayo et Muvunyi nous avaient dit qu’il fallait pourchasser les Tutsis et les tuer parce qu’ils étaient nos ennemis"

Le témoin devrait poursuivre sa déposition lundi prochain, avec le contre-interrogatoire de la défense de Alphonse Nteziryayo, conduite par Me Titinga Frédéric Pacere du Burkina Faso.

Sont concernés par le procès de Butare, outre l’ex-préfet Alphonse Nteziryayo, son prédecesseur à la tête de la préfecture de Butare, Sylvain Nsabimana, l'ex-ministre de la famille et de la promotion féminine, Pauline Nyiramasuhuko, première femme à être inculpée par une juridiction internationale ainsi que son fils Arsène Shalom Ntahobali, et deux ex-maires : celui de Ngoma, Joseph Kanyabashi, et celui de Muganza, Elie Ndayambaje.

Le procès du groupe Butare se déroule devant la deuxième chambre de première instance du TPIR présidée par le juge tanzanien William Hussein Sekule, et composée en outre des juges, malgache Arlette Ramaroson, et lesothan Winston Churchill Matanzima Maqutu. Vendredi, la chambre a programmé l'audition des requêtes.

BN/AT/GF/FH(BT-0314A)