"Je dois préciser que dès 1992, et pour être plus précis dès le 17 avril 1992, nous étions au pouvoir. Les services de renseignements se trouvaient dans notre département, controlés par des membres du MDR [Mouvement démocratique républicain]. Si un tel un plan avait existé, je crois que nous aurions dû en être informé, parce que nous contrôlions le service de renseigenements", a déclaré Faustin Twagiramungu. Ancien président du MDR, Faustin Twagiramungu a été premier ministre du Rwanda dans le premier gouvernement post-génocide, avant de se réfugier en Belgique. Mais dès 1992, le MDR était entré au gouvernement à la faveur du multipartisme.
Mardi, Faustin Twagiramungu a été contre-interrogé par le substitut nigérian du procureur Charles Adeogun-Philips. Le représentant du parquet a soutenu que Faustin Twagiramungu n'était pas en position de savoir qu'un génocide anti-tutsi se planifiait dans les milieux des extrémistes hutus, étant taxé de collaborateur de la rébellion à dominante tutsie et de sympathisant des Tutsis.
"Etant donné le contexte qui prévalait, cela ne voulait pas dire que l'on soit aveugle ou sourd à ce qui se passait [...] Les gens qui nous informaient étaient du MRND [le parti de l'ancien président Juvénal Habyarimana], ils n'avaient pas parlé de ce plan", a dit Faustin Twagiramungu. Il a ajouté que, ayant été désigné pour diriger le gouvernement qui devait émaner des accords de paix D'Arusha entre le régime Habyarimana et la rébellion, il avait un bureau situé tout près de celui de du chef de l'Etat, et avait accès à toutes les informations en rapport avec les affaires de l'Etat.
"Les gens qui ont été tués n'avaient pas de couleur. Ils étaient des Rwandais noirs. l'intention n'était pas de tuer des Tutsis, mais des Rwandais appartenant à l'opposition : Hutus et Tutsis", a affirmé Faustin Twagiramungu. "Les gens ne se sont pas assis pour établir un plan D'urgence, des phases D'un plan directeur en vue de tuer les Tutsis. Le génocide au Rwanda ne signifie nullement que ce sont les Tutsis qui ont été tués. C'est ici que nous souffrons le plus et que nous continuons de souffrir [...] Lorsque le génocide signifie que seuls les Tutsis ont été tués, je ne peux pas l'accepter", a expliqué l'ex-premier ministre.
Lors de sa déposition, Faustin Twagiramungu a par ailleurs soutenu que les coaccusés n'avaient pas participé aux massacres. S'agissant du pasteur Ntakirutimana, Faustin Twagiramungu a déclaré : "Etant donné l'âge de ce vieillard [70 ans en 1994], le connaissant [...] Je ne peux pas dire que cet homme ait pris soit une kalachnikov, soit une machette ou se soit assis pour dire : planifions la mort des Tutsis. S'il y a D'autres vieillards qui l'ont fait, prions pour eux".
l'ancien premier ministre a en revanche indiqué qu'il ne connaissait pas très bien Gérard Ntakirutimana, mais qu'il estimait que s'il avait quitté les Etats Unis, où il faisait des études dans les années 1990, pour la "brousse de Kibuye, c'est qu'il aimait son peuple".
Ntakirutimana père était pasteur à l'église de Mugonero (province Kibuye, ouest du Rwanda) et son fils, médecin à cet endroit. Ils sont poursuivis pour des massacres de Tutsis à Mugonero et dans les collines avoisanantes de Bisesero. Ils plaident non coupables. Elizaphan Ntakirutimana est défendu par l'avocat américain Me Ramsey Clark, Gérard Ntakirutimana par l'avocat canadien Me David Jacobs.
AT/GF/FH (NT-0205A )