17.12.2001 - TPIR/BUTARE - LA PRESIDENTE DU TPIR S'EXPRIME AU SUJET DU TRAITEMENT D'UN TEMOIN

Arusha, le 17 décembre 2001 (FH) - La présidente du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), la juge sud-africaine Navenethem Pillay, a fait connaître vendredi dernier sa position au sujet du traitement controversé D'un témoin du parquet dans le procès de six personnes accusées de génocide en préfecture de Butare (sud du Rwanda). La presse avait diversement rapporté la déposition de "TA", une femme qui a affirmé avoir été violée par un des accusés.

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Au cours de cette déposition, les juges de la deuxième chambre de première instance auraient ri "de
manière inappropriée".

Dans une déclaration datée du 14 décembre, Navenethem Pillay fait D'emblée remarquer que l’article qui a relaté pour la première fois cet incident n’allègue pas que les juges riaient du témoin ou d’une quelconque partie de
son témoignage et déplore en conséquence que les articles qui ont suivi n'ont pas pris les mêmes précautions.

Navenethem Pillay note que les juges ont ri en réaction aux questions D'un avocat de la défense. La présidente du TPIR explique qu'un examen des archives sonores et vidéo montre que l’article de départ a présenté cette scène D'une façon erronée et souligne au passage que ceux qui sont investis de la charge D'informer le grand public au sujet des procédures devant le TPIR doivent le faire D'une manière responsable.

Les juges du TPIR veillent à ce que les dépositions se fassent autant que possible sans provoquer de douleurs, a-t-elle poursuivi, précisant qu'ils ont participé pleinement à l'élaboration des mesures de protection dont
jouissent les témoins qui comparaissent devant cette juridiction, relevant même que certaines critiques qualifient ces mesures de trop larges.

"Il est clair que le juge président, à plusieurs reprises, a tenté de diriger le contre-interrogatoire du témoin [TA] vers une plus grande pertinence et précision", relève Navenethem Pillay. "Quand chaque témoin vient déposer, il, ou elle, est accompagné(e) D'un agent chargé de la protection dont la responsabilité est de s'assurer que le témoin est bien
accommodé. Les témoins qui viennent à Arusha déposer sont assistés à tous les niveaux par le personnel du Tribunal", a-t-elle indiqué.

Les associations de rescapés du génocide au Rwanda s'étaient plaintes du "harcèlement" de TA et avaient exigé que les juges de la deuxième chambre soient sanctionnés.

Le procureur du TPIR, la Suissesse Carla del Ponte, avait pour sa part déclaré que "bien qu'il ne soit pas habituel pour le procureur de commenter les comportements des juges, nous continuerons à poursuivre les accusés en
tenant compte aussi des nécessités de la protection des témoins. Car il faut savoir que les témoins doivent être bien traités, parce qu'ils sont quelques fois des victimes".

Dans une lettre adressée au secrétaire général de l'ONU le 13 décembre, plusieurs détenus du TPIR ont de leur côté estimé que "toute cette polémique vise à empêcher l'accusé D'utiliser pleinement son droit à contre-interroger
les témoins de l'accusation selon la stratégie de défense arrêtée son équipe de défense. "

"Les juges subissent des pressions intenses pour qu'ils restreignent la liberté du conseil de la défense de poser des questions en fonction des allégations du témoin concerné de l'accusation. Les conseils de la défense
risquent D'être indûment limités dans leur droit de contester la crédibilité des témoins dont les mensonges seraient flagrants", poursuivent les détenus.

Navenethem Pillay note quant à elle qu’il est inapproprié pour un juge, fût-il président du TPIR, de commenter la manière dont ses pairs conduisent un procès en cours et considère que les remarques comme celles émises par le
procureur "n’ont pas avancé la cause de la justice. "

Le procès du groupe Butare concerne l'ancien ministre de la famille et de la promotion féminine Pauline Nyiramasuhuko, son fils Arsène Shalom Ntahobali un ancien étudiant présumé chef milicien, les ex-préfets Sylvain Nsabimana et Alphonse Ntezilyayo ainsi que l'ancien maire de Ngoma, Joseph Kanyabashi, et celui de Muganza, Elie Ndayambaje. TA a déposé essentiellement contre Arsène Shalom Ntahobali.l'accusé est défendu par l'avocat kenyan Me Duncan Mwanyumba.
AT/PHD/FH (BT_1217A)