28.11.2001 - TPIR/MEDIAS - LE TEMOIGNAGE D'UNE JOURNALISTE BELGE COMMENCE PAR UN OUÏ DIRE, SELO

Arusha, le 28 novembre 2001 (FH) - Une journaliste belge, citée par le parquet, a commencé sa déposition par un ouï-dire, mercredi, dans le procès des anciens responsables "des médias de la haine" en cours devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda à Arusha. Journaliste chargée de l'Afrique centrale au quotien belge "le Soir", Colette Brackman a évoqué une conférence de presse organisée à Bruxelles en 1992, à laquelle aurait participé l'ancien promoteur de la Radio-télévision libre des Milles collines (RTLM), Ferdinand Nahimana, un des accusés.

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Colette Brackman a affirmé qu'elle a couvert personnellement cette conférence de presse pour le compte de son journal mais a produit en lieu et place de son article une dépêche de l'agence Belga, expliquant que c'est elle qui réflétait mieux ce qui y avait été dit.

Les avocats dans leur ensemble se sont opposés à la production de ce document, arguant qu'il s'agissait D'un ouï-dire.
"Nous tombons dans l'ouï-dire le plus total", a déclaré l'avocat canadien Me René Martel, co-conseil de l'ancien directeur et rédacteur en chef de la revue Kangura, Hassan Ngeze, un des coaccusés de Ferdinand Nahimana.

Selon Me Martel, Colette Brackman fait "un témoignage D'opinion", alors que le parquet avait annoncé un témoin des faits.
Me Martel a au passage critiqué les publications de la journaliste belge, indiquant qu'elle utilisait "la méthode du ventriloque". "Ce n'est jamais elle qui parle, ce sont les autres qui parlent et elle fait croire que c'est la vérité", a déclaré en substance Me Martel.

Colette Brackman, 54 ans, est journaliste depuis 1966. Elle est également écrivain. Elle est notamment auteur de "Rwanda. l'histoire D'un génocide" et co-auteur de "Qui a armé le Rwanda?".

Ferdinand Nahimana et Hassan Ngeze sont coaccusés avec l'ex-conseiller politique au ministère des affaires étrangères et membre du comité D'initiative de la RTLM, Jean-Bosco Barayagwiza. Celui-ci boycotte le procès depuis son ouverture sur le fond, en octobre 2000.

l'avocat béninois, Me Alfred Pognon, co-conseil de Barayagwiza, a rappelé que dans le passé la production D'un document par un témoin qui n'en est pas l'auteur a toujours été refusée.

Colette Brackman a déclaré avoir rencontré deux fois Ferdinand Nahimana, en Belgique et à Kigali.

En Belgique, Ferdinand Nahimana, aurait été interrogé par des journalistes au sujet des massacres de Tutsis au Bugesera (sud de Kigali) de mars 1992 et sur un un fax lu à l'époque sur Radio Rwanda, dont certains affirment qu'il a été à l'origine de ces massacres.

Début 1992, Ferdinand Nahimana était directeur de l'Office rwandais D'information,(ORINFOR), qui gérait les médias D'Etat, dont Radio Rwanda.

Selon Colette Brackman, Ferdinand Nahimana a répondu que "en tant que média, ils avaient l'obligation de communiquer cela et que c'était un comportement normal pour une radio".

Le fax incriminé aurait été transmis à partir de Naïrobi et contenait une liste de personnalités hutues qui devaient, selon ses auteurs, être tués par l'ex-rebellion à dominante tutsie, le Front patriotique rwandais (FPR). Les associations de défense des droits de l'homme ont affirmé qu'il s'agissait D'un faux.

Ferdinand Nahimana aurait déclaré que "ce n'était pas un faux. Qu'il avait existé. Qu'il avait donné à ce communiqué un traitement journalistique adéquat. Qu'il n'y avait pas un lien de cause à effet entre le communiqué de Radio Rwanda et les événements qui sont survenus après", a dit Colette Brackman. Les juges vont se prononcer sur le sujet jeudi matin.
AT/DO/FH (ME_1128A )