23.09.2001 - TPIR/CYANGUGU - LES PREFETS AVAIENT BEAUCOUP DE POUVOIR, SELON UN EXPERT

Arusha, le 23 septembre 2001(FH) - Les préfets rwandais avaient beaucoup de pouvoir, a affirmé un témoin expert cité par le parquet dans le procès de trois anciens notables accusés de génocide à Cyangugu (sud-ouest du Rwanda), qui se déroule devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda(TPIR). "Le Rwanda était devenu une république des préfets" sous l'ancien président Juvénal Habyarimana, a indiqué le professeur français André Guichaoua, chercheur spécialiste de la région des Grands Lacs africains depuis plus de vingt ans.

2 min 34Temps de lecture approximatif

Le procès du groupe Cyangugu concerne l'ancien préfet Emmanuel Bagambiki, l'ancien ministre des transports et communications sous le gouvernement intérimaire, André Ntagerura, ainsi que l'ancien commandant de la garnison militaire de la place, le lieutenant Samuel Imanishimwe.

"Le préfet Bagambiki n'était pas juste n'importe qui", a déclaré André Guichaoua. Originaire de Cyangugu, Emmanuel Bagambiki avait beaucoup D'influence là-bas, contrairement à ceux qui ont occupé ce poste avant lui , a soutenu l'expert.

Dans une autre affaire déjà jugée devant le TPIR, un expert de la défense, le professeur français Guibard, avait pour sa part indiqué que "le préfet rwandais en 1994 était un personnage déconcentré, coupé de sa hiérarchie, et sans moyens D'actions".

André Guichaoua a signalé que l'ancien préfet Bagambiki et deux autres personnalités ont ouvert un compte bancaire à Cyangugu en mai 1994 dans le but de financer "la défense civile". l'ancien préfet suivait ainsi une instruction générale émanant de l'ex-premier ministre Jean Kambanda, condamné à l'emprisonnement à vie en 1998 après avoir plaidé coupable de génocide.

Le parquet allègue que le fonds créé à cette époque était destiné aux activités des milices, qui ont été le fer de lance du génocide anti-tutsi et des massacres D'opposants qui ont fait plus de cinq cents mille morts en trois mois à travers tout le Rwanda.

l'expert a déclaré en outre qu'Emmanuel Bagambiki aurait pu facilement se réfugier à l'étranger s'il avait voulu se dissocier du génocide. Le quarante et unième témoin du parquet a soutenu qu'il n'y avait pas D'indications comme quoi l'ancien préfet avait essayé de s'opposer aux massacres. La préfecture de Cyangugu est frontalière avec l'ex-Zaïre.

Parlant D'André Ntagerura, le professeur Guichaoua a affirmé qu'il n'avait jamais perdu son pouvoir à la base. Citant une personnalité locale, l'expert du parquet a indiqué que Ntagerura était considéré comme "l'ambassadeur de Cyangugu à Kigali".

Originaire de la commune Karengera à Cyangugu, André Ntagerura, était un des ministres qui ont servi le plus longtemps sous l'ancien président Habyarimana. André Guichaoua estime qu'il doit cette longévité à son esprit travailleur et à sa fidélité aux membres de l'entourage présidentiel (akazu) Le témoin a déclaré que Ntagerura occupait un ministère clé, avec sous sa tutelle des compagnies aussi importantes que celle qui gérait la téléphonie (Rwandatel) et celle en charge du transport en commun (ONATRACOM).

Le témoin avait auparavant cité Bagambiki, Ntagerura et Imanishimwe comme les trois autorités politiques et militaire ayant monopolisé le pouvoir à Cyangugu. "Il n'y avait pas de doute sur la fiabilité du préfet, sur la fiabilité du commandant de camp et du ministre représentant le gouvernement", avait-il déclaré.

Concernant le rôle qu'aurait joué le lieutenant Imanishimwe pendant les massacres, le témoin a indiqué que Bagambiki avait un moment donné était décrit comme "le chien D'Imanishimwe". Le professeur Guichaoua voulait dire par-là que l'ancien préfet aurait agi sous les ordres du commandant militaire en mobilisant les milices en vue de tuer les Tutsis. Les accusés plaident non coupables.

La déposition du professeur Guichaoua se poursuit lundi. Le procès se déroule devant la troisième chambre de première instance du TPIR présidée par le juge George Williams de Saint Kitts et Nevis et comprenant en outre les juges russe Yakov Ostrovsky, et slovène Pavel Dolenc.

SW/AT/PHD/FH (CY_0923A)