Ils sont poursuivis pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre. Leur procès s'est ouvert mardi.
Désigné par les lettres "MM" pour protéger son anonymat, le troisième témoin du parquet a affirmé que des personnes, agissant sous les ordres de Gérard Ntakirutimana, ont "coupé" un tuyau qui servait à approvisionner en eau potable l'hôpital de Mugonero où s'étaient réfugiés entre "huit mille et douze mille Tutsis".
MM a cependant reconnu n'avoir pas été témoin direct du sabotage de cette adduction D'eau. l'incident lui a été rapporté, a-t-il dit.
Le troisième témoin du parquet a ajouté que le téléphone de l'hôpital a été également démonté, toujours à la demande du Dr Ntakirutimana, selon le témoin. l'accusé voulait que les réfugiés"ne communiquent pas avec les Inkotanyi [ex-rébellion à dominante tutsie]", a précisé le témoin.
En 1994, MM enseignait dans une école secondaire adventiste qui faisait partie du "complexe de Mugonero". Celui-ci comprenait notamment une église, dont Ntakirutimana père était responsable, et l'hôpital que dirigeait le fils.
l'acte D'accusation indique que " le ou vers la matinée du 16 avril 1994 un convoi comprenant plusieurs véhicules suivi par un grand nombre de personnes portant des armes, est allé au complexe de Mugonero. Les personnes dans le convoi étaient, entre autres, Elizaphan Ntakirutimana, Gérard Ntakirutimana et [l'ancien maire en fuite ] Charles Sikubwabo […] Les personnes du convoi […] ont participé à une attaque contre les hommes, les femmes et les enfants " qui s'y étaient abrités.
l'acte D'accusation ajoute que ceux qui ont survécu à cette attaque se sont réfugiés dans la région de Bisesero, où ils ont été poursuivis par les assaillants.
Le témoin s'était réfugié dans le complexe de Mugonero avec sa famille, avant qu'il ne soit attaqué le 16 avril 1994. Environ cinq mille personnes, dont une cinquantaine de pasteurs adventistes, y ont été massacres, selon le parquet. Le témoin a signalé avoir perdu des proches parents durant l'attaque.
MM a déclaré avoir vu le pasteur Ntakirutimana le matin du 16 avril 1994 à Mugonero, au volant D'une camionnette, à bord de laquelle se trouvait des gendarmes qui ont par la suite participé à l'attaque contre le complexe. Le pasteur Ntakirutimana est aussitôt reparti, a dit le témoin.
Le témoin a par ailleurs déclaré qu'il n'a pas vu le Dr Ntakirutimana pendant l'attaque. Le médecin se serait rendu au complexe dans la soirée, en compagnie de dignitaires locaux dont l'ex-maire Sikubwabo, "pour faire une sorte D'inventaire des cadavres", selon MM. Le témoin a indiqué qu'il s'était dissimulé parmi les cadavres.
D'après MM, des pasteurs réfugiés à Mugonero avaient envoyé une lettre à Elizaphan Ntakirutimana en le priant D'intervenir auprès du maire Sikubwabo pour qu'il empêche l'attaque contre le complexe, qui était imminente. l'accusé leur a répondu par la négative, selon MM.
Dans sa déclaration liminaire mardi, l'avocat américain D'Elizaphan Ntakirutimana, Me Ramsey Clark, a expliqué que l'accusé a plutôt contacté le maire mais que ce dernier lui a répliqué qu'il ne pouvait rien faire pour les réfugiés.
"On lui a dit en des termes terribles qu'il n'avait jamais entendus auparavant, que le bourgmestre [maire] ne pouvait rien faire. Il est retourné à Mugonero. Il s'est rendu immédiatement dans son bureau et a écrit un message pour leur dire de prendre des dispositions pour se sauver eux-mêmes", a plaidé Me Clark.
La défense affirme que les charges retenues contre les coaccusés "n'ont aucun sens". Gérard Ntakirutimana est représenté par l'avocat américain, Me Edward Medvene. La déposition de MM se poursuivra jeudi matin.
AT/PHD/FH (NT_0919A)