11.09.2001 - TPIR/KAMUHANDA - l'EX-MINISTRE AURAIT DISTRIBUE DES ARMES

Arusha 11 septembre 2001(FH) - l'ex-ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de la culture au sein du gouvernement intérimaire, Jean de Dieu Kamuhanda, aurait distribué des armes dans sa commune natale de Gikomero (préfecture de Kigali rural, centre du Rwanda), a déclaré le cinquième témoin de l'accusation entendu mardi devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda(TPIR). Désigné sous le pseudonyme "GAB" pour protéger son anonymat, le témoin, un Tutsi âgé de 17 ans au moment des faits , a affirmé qu'à une date dont il ne se rappelle pas exactement, "en tous cas entre le 9 et le 11 avril 1994", il a vu l'accusé distribuer des armes au terrain de football de Ntaruka, dans la cellule de Nyamise, secteur Kayanga en commune Gikomero.

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"Nous avons vu Kamuhanda descendre D'un véhicule, une camionnette blanche de marque Hilux, il était accompagné D'un militaire. Il y a rencontré le comptable de la commune Mathias Rubanguka, le conseiller de secteur Thomas Mabango, le brigadier de la commune Nyarwaya. Il y avait également des Interahamwe avec qui nous jouions. Il s'est entretenu avec eux, et leur a remis les moyens de défense qu'il avait promis auparavant" a déclaré le témoin.

"Dans le véhicule il y avait deux fusils de type kalachnikov, deux grenades et des machettes" a poursuivi le témoin "GAB", provoquant l'étonnement dans la galerie publique. "Il a remis tout ce paquet au comptable, qui à son tour l'a remis à ces jeunes gens", a-t-il affirmé.

Le témoin a ajouté que "Kamuhanda était présent au moment de la distribution de ces armes, il n'est parti qu'après la distribution en disant ceci : "je ne voudrais pas entendre qu'un quelconque Tutsi vous échappe, il faudra faire en sorte qu'aucun Tutsi ne vous échappe". Je pense qu'un jour après, le 13 avril , nous avons été attaqués, on a commencé à nous tuer" a dit "GAB".

Auparavant, le témoin avait déclaré que peu avant l'attentat contre l'avion de l'ex-président Juvénal Habyarimana, les rapports entre les Hutus et les Tutsis "n'étaient pas bons dans notre région, suite en grande partie, à un meeting du MRND [ex-parti présidentiel] tenu en août 1993 à Kayanga", et auquel aurait participé l'accusé.

Au cours de ce meeting, selon le témoin, les autorités locales auraient exprimé leur inquiétude, relativement à la proximité avec les positions du FPR [Front patriotique rwandais, ex-mouvement rebelle majoritairement tutsi] et au "grand nombre de complices dans leur commune " sans moyens pour s'en défendre.

l'accusé leur aurait alors promis des armes, en disant que"ces Tutsis ne devraient pas vous faire des problèmes. Leur question a été étudiée par des instances habilitées et leur sort est déjà jeté", selon le témoin "GAB".

Au cours du contre-interrogatoire entamé mardi après-midi, l'avocate britannique de Kamuhanda, Me Grace Amakye, a relevé que les propos attribués à Kamuhanda au cours de cette réunion n'apparaissaient pas dans la déclaration écrite du témoin.

Le témoin a répondu que les enquêteurs qui ont recueilli ces informations avaient omis de "mentionner ce détail suite à beaucoup de choses que je leur racontais à propos du génocide de 1994".

Me Amakye a par ailleurs soutenu que la dernière réunion du parti MRND tenue à Kayanga datait D'octobre 1992, contrairement aux affirmations du témoin qui la plaçait en 1993. Elle a en outre mis en doute la possibilité du témoin à identifier l'accusé qu'il n'aurait vu qu'à des occasions très rares lors des festivités communales.

Le témoin avait affirmé qu'il avait vu pour la première fois l'accusé en 1987, lors de l'inauguration du bureau communal de Gikomero. l'avocate de l'accusé a mis en cause la crédibilité du témoin demandant "comment en tant qu'enfant de dix ans, vous avez pu participé à une festivité marquant l'inauguration du bureau communal?"

Le témoin n'a pas pu par ailleurs pas indiquer la fonction de l'accusé au sein du parti MRND, qu'il avait pourtant qualifié de "personne importante du parti au niveau national".

Le contre-interrogatoire du témoin devrait se poursuivre mercredi matin.

"GAB" est le second témoin à être entendu en audience publique depuis que cette affaire a redémarré le 3 septembre. Trois témoins qui l'ont précédé ont déposé à huis clos.

Le procès se déroule devant la deuxième chambre de première instance du TPIR, présidée par le juge tanzanien William Hussein Sekule, et composée en outre des juges malgache Arlette Ramaroson, et lesothan Winston Churchill Matanzima Maqutu.

BN/AT/FH(KH_0911A)