17.07.2001 - TPIR/BAGILISHEMA - PLUSIEURS PAYS EUROPEENS REFUSENT D'ACCUEUILLIR l'EX-MAIRE ACQUITTE

Arusha 17 juillet 2001 (FH) - La France a refusé l'asile à l'ancien maire de Mabanza (préfecture Kibuye,ouest du Rwanda), Ignace Bagilishema, récemment acquitté par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) malgré le fait que deux citoyens français de bonne moralité ont accepté de s'en porter garants, a déclaré son avocat. Deux pays scandinaves lui ont également refusé l'asile, a ajouté le défenseur.

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l'avocat français D'Ignace Bagilishema, Me François Roux, a indiqué, au cours D'une interview téléphonique mardi avec l'agence Hirondelle, que l'on se trouvait dans une"situation stupéfiante où aucun pays n'est disposé à l'accueillir malgré l'ordonnance de mise en liberté".

Ignace Bagilishema est la première personne accusée de génocide à être acquittée par le TPIR de toutes les charges. Le verdict est tombé le 7 juin. La Cour a ordonné sa relaxation immédiate mais, étant donné l'appel du parquet, elle lui a imposé certaines conditions.

Selon la décision de la Cour, Ignace Bagilishema devait notamment fournir deux noms de personnes de bonne moralité qui doivent garantir qu'il se présentera devant la justice quand sa présence sera requise. l'ancien maire devait par ailleurs donner l'adresse exacte de sa résidence dans le pays D'accueil, avant sa libération.

Me Roux a indiqué que ces conditions étaient remplies en France trois jours seulement après la décision de la cour. Une demande D'asile introduite auprès des autorités françaises a été toutefois rejetée après plusieurs semaines D'attente. Aucune raison n'a été donnée pour motiver ce refus.

l'avocat de Bagilishema a déclaré qu'il a ensuite demandé au greffier du TPIR de contacter deux pays scandinaves à cet effet, mais leur réponse a été également négative. A la question de savoir si les conditions posées par la Cour étaient remplies dans les dits pays scandinaves, l'avocat a répondu que non. "Malheureusement, nous ne sommes pas pour le moment en position de remplir ces conditions dans un pays autre que la France", a dit Me Roux. C'est la raison pour laquelle il a demandé au greffier D'intervenir auprès de la France pour tenter de la convaincre à reconsidérer sa position

Me Roux a émis l'espoir que la France pourrait se raviser, mais il a en même temps admis que cela risque de prendre du temps. l'avocat français a déploré le fait que chaque jour qui passe est un jour de trop "de détention anormale" de son client, qui a été déclaré homme libre mais qui reste gardé dans "une maison sûre" de l'ONU. "Il est bien sous le mandat du greffier, lequel ne peut pas faire autrement. Nous sommes dans une situation dont le Tribunal lui-même n'est pas directement responsable, l'affaire relève de la responsabilité des Etats" membres de l'ONU.

Me Roux a signalé qu'en demandant au greffier D'exercer la pression sur les Etats, il lui a suggéré de s'appuyer sur l'article 28 des Statuts qui oblige les Etats à coopérer avec le TPIR. "Il est anormal que ceux qui ont rédigé le statut du TPIR [le Conseil de sécurité de l'ONU] n'aient pas prévu ce qui doit se faire en cas D'acquittement," a regretté Me Roux. l'avocat français a souhaité que si le Conseil de sécurité est saisi de l'affaire, il en profite pour réexaminer le Statut et de prévoir un tel cas.

Me Roux a ajouté que cela devrait également préoccuper tous les démocrates ainsi que tous les peuples épris du respect des droits humains. Commentant au passage le récent refus de l'Italie de procéder à l'arrestation D'un suspect de génocide, Me Roux a indiqué: "Je pense que tous les Etats membres ne donnent pas les moyens au Tribunal pour sa politique judiciaire. Si on crée un Tribunal, il faut lui donner les moyens de sa politique judiciare".

Appel du procureur

Entre temps, le procureur du TPIR, Carla del Ponte, a déposé une notice D'appel contre l'acquittement de Bagilishema, le 9 juillet. Il n'est pas encore clair si la notice du procureur a été déposée dans les délais de trente jours requis.

Bagilishema répondait de sept chefs D'accusation de génocide et de crimes contre l'humanité. Le parquet affirmait qu'il avait planifié le génocide anti-tutsi dans sa commune. A la majorité, les juges l'ont acquitté de tous les chefs. Un juge a émis une opinion individuelle séparée, un autre une opinion dissidente.

S'adressant aux journalistes après le jugement, le porte-parole du procureur, Florence Hartmann, avait indiqué que la cause avait été mal plaidée par les représentants du parquet en première instance, ajoutant que la situation allait être redressée en appel.

Dans sa notice D'appel, le parquet indique que la Cour a notamment erré en droit et dans les faits en ne déclarant pas Ignace Bagilishema responsable des crimes commis à un barrage routier situé près du bureau communal. "Cet appel démontre de la part du procureur un acharnement judiciaire au cas Bagilishema qui n'est pas justifié. Les raisons avancées pour l'appel ne sont pas fondées, et je pense que le procureur aurait été mieux inspiré en y renonçant", a estimé Me Roux.

A la question de savoir si l'appel du parquet avait été introduit dans les délais légaux, Me Roux a déclaré:"En effet, je crois que nous allons avoir des questions concernant la recevabilité de cet appel, au niveau et de la date et de la forme"

JC/AT/PHD/FH (BS_0717A)