26.06.2001 - TPIR/GACUMBITSI - l'ANCIEN MAIRE DE RUSUMO A PLAIDE NON COUPABLE

Arusha 26 juin 2001 (FH) - l'ancien maire de Rusumo (préfecture Kibungo, est du Rwanda), Sylvestre Gacumbitsi, a plaidé non coupable lors de sa comparution initiale mardi devant le Tribunal international pour le Rwanda (TPIR). Revêtu D'un pantalon et D'une chemise kaki et portant des lunettes noires, D'une voix ferme, l'accusé, 54 ans, a répondu par la négative à l'énonciation de l'ensemble des cinq chefs D'accusation retenus contre lui, à savoir le génocide, ou subsidiairement la complicité dans le génocide, et les crimes contre l'humanité (extermination, assassinat et viol).

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Le parquet affirme que "Sylvestre Gacumbitsi a organisé la campagne contre les civils tutsis dans la commune de Rusumo[...] Cette campagne qui a consisté en l'incitation publique faite aux civils hutus de s'isoler de leurs voisins tutsis et de les tuer, s'est soldée par des milliers de morts. Sylvestre Gacumbitsi a personnellement tué des gens, ordonné à ses subordonnés de tuer et dirigé des attaques alors même qu'il savait ou aurait dû savoir que des civils étaient ou seraient tués par des personnes agissant sous son autorité".

Attaque contre la paroisse de Nyarubuye

"Entrre les 15 et 17 avril 1994, Sylvestre Gacumbitsi a dirigé une attaque contre la paroisse de Nyarubuye où de nombreux réfugiés tutsis et hutus s'étaient rassemblés.", note le parquet.
"Sylvestre Gacumbitsi s'est approché de la paroisse dans un convoi de plusieurs véhicules transportant des policiers communaux et des [miliciens] Interahamwee [...] Quantité de machettes ont été déchargées des véhicules et placées devant l'église. Sylvestre Gacumbitsi s'est adressé à la foule à l'aide D'un mégaphone et a ordonné aux réfugiés hutus de se séparer des Tutsis. ", poursuit l'accusation. Le parquet ajoute que "dès que les groupes ont été séparés les uns des autres, les attaques ont commencé. Les agents de la police communale et les Interahamwe ont encerclé l'enceinte de l'église. Sylvestre Gacumbitsi a donné l'ordre aux Hutus D'attaquer les Tutsis, associant les ex-réfugiés hutus aux attaques dirigées contre les Tutsis par les agents de la police communale et les Interahamwe agissant sous ses ordres".

l'accusation indique que le lendemain de l'attaque à la paroisse, Sylvestre Gacumbitsi, accompagné du président du tribunal de Rusumo, M.Rubanguka, et D'un groupe D'assaillants, est retourné dans l'enceinte de l'église dévastée. "Conduits par Rubanguka, les assaillants ont achevé les survivants qui gisaient parmi les cadavres. Ensuite, les assaillants ont pillé l'enceinte de l'église, emportant placards, tables, radios, lits et vêtements. Pratiquement tous les réfugiés tutsis, qui étaient au nombre de plusieurs milliers, ont été tués à la paroisse de Nyarubuye."

Le parquet estime en outre que "entre les 17 et 18 avril 1994, Sylvestre Gacumbitsi a également causé la mort de plusieurs enfants tutsis. Sur instruction expresse de Sylvestre Gacumbitsi, les enfants rescapés de l'attaque de la paroisse de Nyarubuye ont été attirés en un lieu avec la promesse D'y recevoir de la nourriture. Une fois qu'ils ont été rassemblés à cet endroit, Sylvestre Gacumbitsi a ordonné de bloquer toutes les issues et les enfants ont été tués à la grenade."

Responsabilité individuelle

Selon le parquet, Sylvestre Gacumbitsi a non seulement ordonné et dirigé des attaques contre les groupes de réfugiés tutsis, mais également commis personnellement des meurtres et des assassinats.

"A une date non déterminée courant avril 1994, Sylvestre Gacumbitsi a tué une femme tutsie et ses trois enfants, chez lui. Sylvestre Gacumbitsi était le parrain de l'un des enfants, et la femme tutsie était venue chercher refuge chez son ancien ami. Au lieu de les protéger, Sylvestre Gacumbitsi a personnellement organisé leur assassinat".

l'acte D'accusation relève aussi que "le ou vers le 14 avril 1994, Sylvestre Gacumbitsi a personnellement tué par balle deus civils tutsis, près du centre catholique de Nyabitare. Ces deux personnes ont supplié Sylvestre Gacumbitsi, allant même jusqu'à lui offrir de l'argent pour être tuées par balle et non à coups de machettes. Sylvestre Gacumbitsi a pris l'argent, a tiré sur elles et les a ensuite dépouillées du reste de leur argent."

Des violences sexuelles

"La violence sexuelle sur la personne des femmes tutsies était une constante des attaques généralisées perpétrées contre les Tutsis. En conduisant, ordonnant et encourageant la campagne D'extermination dans la commune de Rusumo, Sylvestre Gacumbitsi savait ou aurait dû savoir que la violence sexuelle sur la personne des civils tutsis était ou serait généralisée ou systématique, et que parmi les auteurs de ces actes se trouveraient ses subordonnés ou des personnes qui obéissent en cela à ses ordres et instructions D'ordre général D'exterminer les Tutsis", selon le parquet.

"En outre Sylvestre Gacumbitsi a circulé dans la commune de Rusumo, annonçant à l'aide D'un mégaphone que les femmes tutsies devaient être violées et humiliées sexuellement. Par exemple, le ou vers le 17 avril 1994, Sylvestre Gacumbitsi a exhorté la population, le long de la route de Nyarubuye à "violer les filles tutsies qui avaient toujours refusé de coucher avec les Hutus" et à "chercher dans les buissons, sans épargner un seul serpent..." Il s'ensuivit immédiatement des attaques et des viols sur la personne de femmes tutsies".

Le parquet explique qu'au mois D'avril, mai et juin 1994, des viols et des violences sexuelles généralisées ou systématiques ont été pratiquées sur la personne de femmes tutsies. Les agressions sexuelles étaient souvent le prélude au meurtre, et parfois la cause de la mort de civils tutsis. "

"A une occasion en particulier, le ou vers le 17 avril 1994, Sylvestre Gacumbitsi a attiré des femmes tutsies en un certain endroit en annonçant à l'aide D'un mégaphone que les femmes tutsies seraient épargnées et que seuls les hommes seraient tués. Dès qu'un certain nombre de femmes tutsies se sont rassemblées suite aux exhortations de Sylvestre Gacumbitsi, elles ont été encerclées par plusieurs assaillants, violées puis tuées. Ces assaillants ont également fait subir des sévices sexuels à un certain nombre de femmes tutsies en introduisant des objets dans leurs organes génitaux".

Sylvestre Gacumbitsi a comparu devant le juge de Saint-Kitts et Nevis, George Llyod Williams de la troisième chambre de première instance du TPIR. Il a été représenté par un avocat tanzanien de permanence, Me Francis Musei. Le greffe fixera une date pour l'ouverture du procès, a indiqué le juge Williams.

AT/MBR/FH (GA_0626a )