02.05.2001 - TPIR/MUSABYIMANA - l'EVEQUE ANGLICAN ACCUSE DE GENOCIDE PLAIDE NON COUPABLE

Arusha, le 2 mai, 2001 (FH)- l'ancien évêque de Shyogwe (préfecture de Gitarama, centre du Rwanda), Samuel Musabyimana, a plaidé non coupable lors de sa comparution initiale, mercredi, devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Calme et apparemment pensif, l'accusé est apparu dans le box vêtu D'une soutane violette et portant la mitre épiscopale ainsi qu’un crucifix.

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Samuel Musabyimana a suivi attentivement la lecture de son acte d’accusation, comprenant quatre chefs de génocide et crimes contre l’humanité. L’accusé a répondu par la négative à chacun d’entre eux, au cours de cette audience qui s’est déroulée devant un juge de la deuxième chambre de première du TPIR, le Tanzanien William Sékulé, désigné à cet effet.

Le prélat rwandais était provisoirement assisté par un avocat tanzanien d’origine indienne, Me Bharat Chada.

Samuel Musabyimana a en outre déclaré qu’il a été arrêté illégalement. "Mon arrestation a été faite par des individus qui n'ont pas voulu s'identifier, exhiber le mandat D'arrêt", a affirmé l’accusé, ajoutant que son domicile "a été perquisitionné et des effets familiaux, y compris les pièces D'identité des visiteurs emportés. Mon bureau a été saccagé, tous les équipements, tous les dossiers ont été emportés sans inventaire".

Samuel Musabyimana a été arrêté par la police kenyane le 26 avril, en présence des agents du TPIR. Le porte-parole du TPIR, le Nigérian Kingsley Moghalu avait précédemment indiqué à l’agence Hirondelle que son arrestation et son transfert avaient été réguliers.

L’évêque anglican a soutenu que "les accusations portées contre moi sont graves mais surtout injustes. Je souhaite que votre Tribunal me donne assez rapidement l'occasion de prouver mon innocence". "Il n'y a pas de sang sur mes mains, ma conscience est tranquille", a lancé l’homme d’église.

Allégations spécifiques

Le parquet allègue que Mgr Musabyimana a participé aux massacres de Tutsis qui s’étaient réfugiés à son diocèse en 1994. "Entre le 7 avril et le 30 mai 1994 dans la préfecture de Gitarama, l’évêque Samuel Musabyimana a participé à une campagne d’extermination des civils tutsis qui a fait de nombreuses victimes", selon l’accusation.

"La campagne visait la destruction, en tout ou en partie, du groupe ehnique tutsi. Ces tueries ont eu lieu aux barrages routiers ou sur la voie publique et en des lieux de massacre notoires dans les quartiers entourant le diocèse de Shyogwe", poursuit l’accusation.

"L’évêque Samuel Musabyimana a participé aux tueries ou les a facilitées en donnant pour instructions expresses à des subordonnés d’aider soldats et milices et en fournissant, directement ou indirectement, des armes à feu aux civils alors que, vu les circonstances, il savait ou aurait dû savoir que des civils tutsis étaient ou seraient tués", note le parquet.

"L’évêque Samuel Musabyimana, usant de sa position d’autorité, et agissant de concert avec d’autres, a participé à la planification, à la préparation ou à l’exécution d’un plan, d’une stratégie ou d’un dessein communs afin d’exterminer les Tutsis, et ce, par les actes positifs qu’il a posés ou par le biais de personnes qu’il a aidées ou par ses subordonnés, en connaissance de cause et avec son consentement", selon l’acte d’accusation.

"L’évêque Samuel Musabyimana exerçait une autorité sur les pasteurs du clergé du diocèse de Shyogwe, ainsi que sur les employés du diocèse et les membres de l’église de Shyogwe, y compris les étudiants et les civils qui avaient rejoint les rangs des miliciens", indique le document.

Parmi les subordonnés de l’accusé, le parquet cite le pasteur Athanase Ngilinshuti, condamné par un tribunal rwandais, lors d’un procès conjoint avec le major Anne-Marie Nyirahakizimana, également cité dans l’acte d’accusation contre l’évêque. Selon le parquet, l’évêque Samuel Musabyimana "a expressément donné instructions au pasteur Ngilinshuti d’enregistrer les réfugiés selon leur groupe ehnique ou racial[…] ou savait que le pasteur Ngilinshuti procédait de la sorte et était présent, à plusieurs reprises lors de l’enregistrement des réfugiés".

"Cette liste des réfugiés, les identifiant par groupe ethnique ou racial, et précisant l’endroit où ils se trouvaient dans l’enceinte de l’église, a été utilisée pour sélectionner les réfugiés tutsis du diocèse de Shyogwe à transporter à Kabgayi (lieu de massacre tout près) ou vers d’autres destinations inconnues, pour être tués.

Il y avait environ 500 réfugiés au diocèse de Shyogwe, dont une centaine de Tutsis et quatre cents Hutus, selon le parquet. "L’enregistrement des réfugiés était effectué sur la base de leurs cartes d’identités officielles délivrées par le gouvernement. Ceux qui n’étaient pas munis de cartes d’identité étaient identifiés comme étant des Tutsis" poursuit l'acte D'accusation.

"En avril et mai 1994, à la suite de l’escalade du conflit armé non international dans la région du diocèse de Shyogwe et de la multiplication des meurtres dans les communes de la préfecture de Gitarama, l’évêque Samuel Musabyimana a déclaré publiquement que les Tutsis étaient dans une très mauvaise situation, que c’en était fini d’eux et qu’il ne servait à rien de les cacher".

Le parquet ajoute que "à l’époque des faits visés dans le présent acte d’accusation, l’évêque Samuel Musabyimana, a régulièrement fréquenté plusieurs ministres du gouvernement intérimaire, notamment le ministre de l’information, Eliézer Niyitegeka, et le ministre de l’enseignement supérieur, Daniel Mbangura, et le président intérimaire, Théodore Sindikubwabo, s’est rendu à l’étranger à l’occasion de missions officielles en compagnie de membres du gouvernement intérimaire, et a agi en qualité d’émissaire du gouvernement, pour légitimer la politique de ce gouvernement à une époque ou cette politique comportait, de façon notoire, un plan d’extermination des Tutsis et des opposants politiques hutus".

AT/GA/PHD/FH (MS_0502A)