24.04.2001 - TPIR/SEMANZA - UN EXPERT EVOQUE LE ROLE DE SEMANZA DANS LES ANNEES 1990

Arusha, le 24 avril, 2001 (FH) - l'ex-maire de Bicumbi (préfecture de Kigali rural), Laurent Semanza, aurait commencé à organiser des massacres dans sa commune bien avant le déclenchement du génocide de 1994, selon le témoin expert entendu mardi par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Le professeur français André Guichaoua a indiqué devant la Cour que des arrestations massives avaient été organisées dans le pays, quatre jours après l'attaque du Front Patriotique Rwandais (FPR) en octobre 1990.

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A cette époque, "le Rwanda a vécu des moments difficiles, avec des arrestations à grande échelle des opposants au régime ou de leurs complices", a indiqué le professeur Guichaoua en répondant au substitut du procureur lors de l'interrogatoire principal.

Le témoin a poursuivi en disant que Semanza avait pris part à ces arrestations, à Kigali rural où il était bourgmestre, ajoutant que la situation était similaire dans toutes les préfectures "où des gens devaient fournir des noms des gens devant être arrêtés".

Le FPR a déclenché une attaque contre le Rwanda le 1er octobre 1990 qui s'est soldée par la victoire contre le gouvernement du président Juvénal Habyarimana en juillet 1994. Les tueries à grande échelle, qualifiées ensuite de génocide, ont débuté le 6 avril de la même année, à la suite de l'attentation contre son avion qui a coûté la vie au président rwandais.

"A cette époque, il s'agissait de savoir qui était de quel côté [sur le plan politique], il y avait une opposition et une radicalisation politique très fortes, notamment dans les provinces du sud du pays [..] et des revendications de multipartisme", a poursuivi le témoin.

Le témoin expert a en outre déclaré que cette période a coïncidé avec la naissance D'une nouvelle génération de politiciens militants et qu'il était nécessaire de la part du gouvernement central de recueillir des appuis politiques. Il a ajouté que Semanza appartenait à cette catégorie de gens "qui agissaient sans contrainte pour montrer qu'ils appuyaient le gouvernement", et que c'est dans ce cadre qu'il a procédé à des arrestations et à des massacres dans sa commune "pour se mettre en relief".

"La chance ne sourit qu'une fois, saisissez-la, ou vous avez raté", tel était, a relevé le professeur Guichaoua, le mot D'ordre de Semanza et de ses proches. Selon l'expert, Semanza s'est saisi de cette chance lors de l'attaque du FPR en 1990, par ses contributions à l'effort de guerre notamment, en vue de se faire valoir sur le plan politique. l'accusé s'en est saisi aussi le 6 avril 1994 à l'annonce de la mort du président, toujours selon l'espert, non pas que cette disparition lui ait plu, mais parce qu'il devait l'exploiter comme "chance de survie." Ce qui explique les massacres et autres crimes de guerre commis par l'accusé après cette date, a conclu le témoin expert.

Divers témoins ont rapporté que durant le génocide de 1994, compte tenu de son statut D'autorité, Semanza avait le pouvoir D'ordonner ou de superviser lui même les massacres des Tutsis et de leurs "complices" dans les localités où il exerçait son influence politique.

Lors du déclenchement du génocide en avril 1994, Semanza n'était plus bourgmestre de Bicumbi, mais un membre désigné au parlement dans le cadre des accords D'Arusha de 1993. Il était, paraît-il, très influent au sein du parti au pouvoir, le MRND, et surtout dans les préfectures de Bicumbi et de Gikoro. Le témoin expert a indiqué que les massacres perpétrés dans ces localités par Semanza tels que rapportés par des témoins ayant comparu antérieurement ont corroboré les éléments qu'il a pu lui même recueillir, même s'il n'a pas vécu ces événements comme témoin oculaire.

Le témoin a été évacué du Rwanda le 11 avril 1994 où il était arrivé le 4 du même mois pour une mission D'évaluation. Ses recherches se sont donc essentiellement basées sur des témoignages de tiers.

Le procès se déroule devant la troisième chambre de première instance du TPIR, présidée dans cette affaire par le juge russe Yakov Ostrovsky et comprenant en outre les juges de Saint Kitts et Nevis, Lloyd George Williams, et slovène, Pavel Dolenc.

Laurent Semanza répond de 14 chefs D'accusation de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité comprenant des viols perpétrés contre des femmes tutsies dans les communes de Bicumbi et Gikoro en 1994. Les témoins du parquet ont affirmé que Laurent Semanza avait une position d’autorité. Le témoin expert a également corroboré leurs déclarations.

Le contre interrogatoire d’André Guichaoua entamé mardi après-midi se poursuivra mercredi.

GA/AT/PHD/FH (SE_0424A)