24.04.2001 - TPIR/MEDIAS - LA RTLM LANCAIT DES APPELS AU MEURTRE, SELON l'EX-PROCUREUR DE KIGALI

Arusha 24 avril 2001 (FH) - La Radio-Télévision libre des Mille Collines (RTLM), lançait des appels au meurtre, a affirmé l'ancien procureur de Kigali, François-Xavier Nsanzuwera, entendu lundi et mardi dans le procès des médias en cours devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Le dix-septième témoin du parquet a soutenu que la RTLM a pris cette option dès le 7 avril 1994, aux premières heures du génocide anti-tutsi et des massacres D'opposants qui ont fait plus de cinq cents mille morts en trois mois.

2 min 58Temps de lecture approximatif

"Le changement, c'est qu'après le 7 avril, il ne s'agit plus de messages incitant à la haine ethnique et à la violence, c'est plutôt des appels au meurtre. Ce n'est plus de l'incitation, ce ne sont plus des chantages contre des individus, ce sont des appels directs" au meurtre, a indiqué le témoin.

Selon François-Xavier Nsanzuwera, la radio RTLM était connue sous plusieurs noms dans les milieux des auditeurs. "A Kabuga [est de Kigali], dans les camps de déplacés [encadrés par l'ex-rébellion à dominante tutsie] on l'appelait Radio machette, mais avant le génocide, on parlait de Radio Rutwitsi et de Radio Gatonde", a-t-il dit.

Gatonde est la commune D'origine D'un des promoteurs de cette radio, Ferdinand Nahimana, tandis que Rutwitsi est un terme kinyarwanda signifiant "qui appelle les gens à brûler les maisons des Tutsis et des autres que le pouvoir considérait comme ennemis", a expliqué le témoin.

Le procès des médias concerne, outre Ferdinand Nahimana, l'ancien directeur et rédacteur en chef de la revue Kangura, Hassan Ngeze, et l'ex-conseiller politique au ministre des affaires étrangères et membre du comité D'initiative de la RTLM, Jean-Bosco Barayagwiza.

Le témoin a présenté Jean-Bosco Barayagwiza comme un des dirigeants du parti Coalition pour la défense de la république (CDR), entre 1993 et 1994. "Après la mort de Bucyana, le 22 février [1994], on disait que c'est lui qui assurait l'intérim. Mais je n'ai jamais vu l'organigramme de la CDR", a-t-il dit.

"Chaque fois qu'il y avait une arrestation concernant les membres D'Impuzamugambi [jeunesse affiliée au parti CDR] impliqués dans des crimes, il intervenait" a déclaré le témoin. l'ancien procureur de Kigali a rapporté que les Impuzamugambi ont notamment pillé le bureau du président de la cour constitutionnelle, encerclé l'immeuble du ministère de la justice et attaqué le parquet de Kigali qu'il dirigeait.

François-Xavier Nsanzuwera a affirmé qu'il a parfois été "menacé" par Jean-Bosco Barayagwiza et l'ancien président de l'ex-parti présidentiel, Mathieu Ngirumpatse, qui lui enjoignaient de libérer les jeunes affiliés à leurs partis lorsqu'ils étaient accusés de crimes.

"Vous devez vous souvenir, M. le procureur, que nous allons contrôler le conseil supérieur de la magistrature. Vous devez penser à votre carrière", lui auraient-ils déclaré. "Je n'a jamais cédé à leurs menaces" a souligné l'ancien procureur.

Le témoin a par la suite ajouté que plusieurs autres responsables de partis politiques étaient intervenus auprès de lui pour lui donner des injonctions ou lui demander des faveurs, lorsqu'il avait un dossier judiciaire impliquant leurs adhérents, citant nommément le Mouvement démocratique républicain (MDR) dirigé alors par Faustin Twagiramungu et le parti libéral (PL) présidé à l'époque par Justin Mugenzi. Seul le Parti social démocrate (PSD) s'est abstenu de telles actions, a relevé le témoin.

Le parquet du TPIR affirme que les jeunes affiliés à l'ex-parti présidentiel et à la CDR ont reçu un entraînement militaire et des armes, ce qui a transformé ces mouvements de jeunesse en milices. Ils sont accusés D'avoir participé aux massacres de Tutsis sur tout le territoire du Rwanda dès le 7 avril 1994. Pour sa part, le témoin a affirmé que le parti CDR était composé "D'extrémistes hutus".

François-Xavier Nsanzuwera devrait être contre-interrogé tout l'après-midi de mardi et mercredi en début de matinée par l'avocat français de Ferdinand Nahimana, Me Jean-Marie Biju-Duval.

Me Biju-Duval a D'emblée suggéré que l'appartenance à l'akazu (entourage présidentiel) était une accusation largement répandue pour "briser la réputation de quelqu'un". François-Xavier Nsanzuwera, qui avait auparavant affirmé que Ferdinand Nahimana était membre de l'akazu, avait été lui même traité de la sorte par un journal proche de l'opposition, Isibo.

Le témoin a répondu qu'il avait été attaqué aussi bien par Isibo que par les médias proches du pouvoir comme Kangura et la RTLM. Selon l'ancien procureur de Kigali, le directeur D'Isibo, Sixbert Musangamfura, n'était pas "un journaliste sérieux".

AT/PHD/FH (ME_0424A)