23.04.2001 - TPIR/MEDIAS - DEUX DETENUS DU TPIR ACCUSES D’AVOIR FINANCE LA REVUE KANGURA

Arusha, le 23 avril 2001(FH)- l'ancien procureur rwandais François-Xavier Nsanzuwera, entendu comme témoin dans le procès des anciens responsables des "médias de la haine", a accusé deux personnes détenues par le Tribunal international pour le Rwanda (TPIR)d’avoir financé la revue Kangura, a-t-on appris lundi à Arusha. Dix-septième témoin du parquet, François-Xavier Nsanzuwera a affirmé que la revue Kangura était financée notamment par l’ancien secrétaire général de l’ex-parti présidentiel Joseph Nzirorera et un ancien officier de l’armée rwandaise, Anatole Nsengiyumva, tous deux détenus à Arusha où ils sont poursuivis pour génocide et crimes contre l’humanité.

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Le procès des médias concerne l’ancien directeur et rédacteur en chef de la revue Kangura, Hassan Ngeze, l’ancien promoteur de la Radio-télévision libre des Mille Collines (RTLM), Ferdinand Nahimana, et l’ex-conseiller politique au ministère des affaires étrangères et membre du comité d’initiative de la RTLM, Jean-Bosco Barayagwiza.

Hassan Ngeze "portait un journal qui ne lui appartenait pas, dont les propriétaires se cachaient derrière le rideau", a déclaré François-Xavier Nsanzuwera. Ce dernier était procureur de la République près le tribunal de première instance de Kigali entre 1990 et 1994. Il a affirmé avoir enquêté sur Kangura dans le cadre de ses fonctions.

Selon le témoin, Kangura diffusait "un message racial, ethnique, s’en prenant à des personnes individuellement, non pour ce qu’ils ont fait mais pour des calomnies". Le témoin a défini Kangura comme "un journal de conscientisation des Bahutu [les Hutus] face au danger qui les attendait à savoir les Inkotanyi [la rébellion à dominante tutsie] et leurs complices, c’est à dire les Tutsis et les opposants hutus". "Moi je l’appelais la cloche de la mort", a poursuivi François-Xavier Nsanzuwera.

Le témoin a affirmé que des exemplaires de Kangura évoquant "la révolution sociale de 1959" ont été distribués gratuitement dans le Bugesera (sud de Kigali) par Hassan Ngeze et un agent du service de renseignements, neveu de l’ancien officier d’ordonnance du président Habyarimana et natif du Bugesera, nommé Rugwizangoga, quelques semaines avant le massacre des Tutsis dans cette région en mars 1992.

François-Xavier Nsanzuwera a affirmé que les massacres de Tutsis au Bugesera n’auraient pas été d’une grande ampleur, si la revue Kangura n’avait pas été distribuée au Bugesera à cette époque. Le témoin a ajouté que la radio nationale avait également diffusé un communiqué selon lequel la rébellion à majorité tutsie se préparait à mener des actes terroristes dirigés contre certains politiciens et hommes d’affaires hutus. Des responsables locaux auraient en outre "conscientisé" la population avant les massacres.

François-Xavier Nsanzuwera a indiqué qu’environ trois cents Tutsis ont été tués au Bugesera en mars 1992. Le parquet a arrêté 513 personnes, a déclaré le témoin qui a ajouté que plusieurs "travailleurs saisonniers" originaires du nord du pays, qui avaient participé aux massacres, n’ont pas été appréhendés, parce que le maire de la localité les avait entre-temps expulsés.

La déposition de François-Xavier Nsanzuwera se poursuivra mardi matin. Le procès des médias se déroule devant la première chambre de première instance du TPIR présidée par la juge sud-africaine Navanethem Pillay et comprenant en outre les juges norvégien, Erik Mose, et sri-lankais, Asoka de Zoysa Gunawardana.

AT/PHD/FH(ME_0423B)