09.04.2001 - TPIR/MEDIA - LA RTLM ETAIT CONTRE LES ACCORDS D'ARUSHA, SELON UN TEMOIN

Arusha 9 avril 2001 (FH)- La Radio-télévision libre des mille collines (RTLM) était contre les accords de paix conclus à Arusha entre le gouvernement rwandais et le Front patriotique rwandais (FPR), a déclaré un témoin de l'accusation entendu lundi par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Désigné sous le pseudonyme "GO" pour protéger son anonymat, le seizième témoin du parquet est un ancien fonctionnaire au ministère de l'information.

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Il avait été chargé de suivre au jour le jour les émissions de la RTLM par le ministre D'alors, Faustin Rucogoza.

M."GO" a affirmé que la RTLM diffusait des émissions qui appelaient la population à se soulever contre les accords D'Arusha D'août 1993, et que le ministre de l'information avait invité les responsables de cette radio à deux réunions en novembre 1993 et février 1994, pour discuter de ce problème.

A la réunion tenue le 10 février 1994, la RTLM était représenté par son président, l'homme D'affaires Félicien Kabuga (en fuite), Ferdinand Nahimana présenté par le témoin comme le directeur, et l'ancien conseiller politique au ministère des affaires étrangères et membre du comité D'initiative de la RTLM, Jean-Bosco Barayagwiza.

"Les accords de paix venaient D'être signés à Arusha, et nous avions l'espoir que la paix allait être recouvrée, mais ce qui est triste, c'est que la RTLM ne voulait pas la paix, prêchait plutôt contre ces accords de paix", a déclaré le témoin. Le ministre Rucogoza essayait de leur faire comprendre "qu'il est impossible de construire la paix en prêchant la haine" a-t-il dit.

Selon le témoin "GO", qui prenait part aux dites réunions, les dirigeants de la RTLM ont nié ce que leur reprochait le ministère, particulièrement au cours de la séance tenue en février 1994. "Nahimana ne voulait pas entendre dire que les accords D'Arusha étaient des accords de paix" a affirmé le témoin, qui s'exprimait tantôt en français, tantôt en kinyarwanda, la langue nationale rwandaise.

"Il a dit [Nahimana] sans ambages qu'il continuerait à donner la parole sur la RTLM à quiconque voudra dénoncer la ruse des Tutsis du FPR et de ses complices. Concernant les accords D'Arusha, Nahimana a indiqué au cours de la réunion, qu'ils constituaient un piège, une voie pour remettre en cause les acquis de la révolution sociale de 1959, pour soumettre de nouveau les Hutus majoritaires au servage," a poursuivi le témoin.

Nahimana aurait dit au cours de cette réunion que " tant que la radio Muhabura du FPR continuera à défendre les intérêts de la minorité tutsie, la RTLM ne cessera pas de défendre les intérêts de la majorité hutue".

"Barayagwiza a abondé dans le même sens avec plus de colère et D'insistance. Il en est même arrivé à répéter ce que Justin Mugenzi [ président du parti libéral, détenu à Arusha ] avait déclaré lors D'un meeting à Nyamirambo que 'le malheur s'abattra sur tous ceux qui complotent contre les intérêts du peuple majoritaire' " a déclaré le témoin "GO".

Ni le témoin, ni le procureur n'ont pu toutefois produire le procès verbal desdites réunions, expliquant que " tout avait été détruit pendant le génocide".

Les avocats de la défense ont exprimé leurs inquiétudes quant à la véracité du témoignage, estimant qu'il y avait "un manque total de transparence" étant donné que le témoin avait pu présenter D'autres documents en rapport avec la réunion, dont le discours du ministre et le document de travail de la réunion.

La chambre a estimé que ce problème pourrait être soulevé lors du contre-interrogatoire. La déposition du témoin devrait se poursuivre mardi matin.

BN/AT/PHD/FH(Me_0409A)