"Le pouvoir de créer ce Tribunal n'a pas été conféré au Conseil de sécurité. Vous n'avez qu'à lire tous les articles de la Charte des Nations Unies, rien n'est prévu dans ce sens" a plaidé Me. Clark. l'ancien procureur général américain a soutenu que le TPIR est une création des Etats-Unis, et qu'il ne peut être indépendant.
"Il est vrai que le Conseil de sécurité a voté, mais en fait le Conseil de sécurité à l'époque, voire à l'heure actuelle, est sous la domination des Etats Unis, compte tenu du volume de leur contribution financière aux Nations Unies," a dit Me Clark. l'avocat a expliqué que "c'est la guerre par D'autres moyens, compte tenu de l'implication des USA en Afrique". Me Clark a qualifié la juridiction internationale de "cour politique" dont les limites qui lui sont imposées ne conduisent qu'à une parodie de justice.
l'avocat américain a en outre critiqué la décision du Conseil de sécurité relative à la compétence temporelle du Tribunal ,"comme si l'histoire a commencé et s'est terminée dans cette seule année." Le TPIR a compétence de juger les violations graves du droit humanitaire commis entre le 1 janvier et le 31 décembre 1994, sur le territoire rwandais et dans les pays voisins.
"A regarder les statuts du TPIR, on y trouve des problèmes de sélectivité, de discrimination qui défient les principes de base les plus élémentaires," a fait remarquer l'avocat, expliquant que la structure actuelle du TPIR semble indiquer que "il a été créé pour ne poursuivre que les Hutus".
Le représentant du parquet a rétorqué que les arguments de la défense contre la compétence du Tribunal étaient "dépassés, hors délais et ne devraient pas être considérés", expliquant que ce problème a été tranché par la Cour D'appel dans l'affaire Tadic au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Le parquet a également cité la jurisprudence du TPIR dans l'affaire de l'ancien maire de Ngoma (préfecture de Butare, sud du Rwanda) Joseph Kanyabashi.
Requête rejetée, procès reporté en septembre
Ce sont précisément ces deux jurisprudences sur lesquelles s'est appuyé la Chambre pour rejeter la requête de la défense, ajoutant que celle-ci était forclose.
La Chambre a par ailleurs ordonné à l'accusation de communiquer à la défense toutes les déclarations faites lors de l'enquête relatives à cette affaire, concernant surtout les sites de Mugonero et de Bisesero, comme l'avait demandé alternativement la défense.
Le père et le fils Ntakirutimana sont poursuivis pour génocide, entente en vue de commettre le génocide, crimes contre l'humanité et violations graves des conventions de Genève applicables en temps de guerre. Le parquet leur reproche plus particulièrement D'avoir planifié et pris part à des massacres de réfugiés tutsis dans le complexe de Mugonero et dans les collines de Bisesero.
Le complexe de Mugonero comprend une église dont Ntakirutimana père était responsable, et un hôpital dont le fils était directeur. Ntakirutimana père et fils sont accusés conjointement mais dans le cadre de deux actes D'accusation, qui leur reprochent séparément des crimes commis à Mugonero et à Bisesero. l'acte D'accusation de Mugonero inclut également le nom de l'ex-maire de Gishyita, Charles Sikubwabo, qui est toujours en fuite.
Arguant qu'elle ne pourrait pas circuler au Rwanda sans crainte et interroger les témoins à décharge sans les mettre en danger, la défense a réclamé les croquis détaillés des sites des crimes allégués, indiquant aussi la localisation des témoins à charge au moment des faits.
l'avocat américain du fils Ntakirutimana, Edward Medvene, a estimé que la proposition de l'accusation selon laquelle la défense devrait, dans son travail, chercher assistance auprès du gouvernement rwandais, ne tenait pas compte de la réalité.
Me Medvene a cité le cas de l'ancien ministre rwandais de l'intérieur Seth Sendashonga, qui devait venir témoigner sur les "syndicats des délateurs" et qui a été assassiné peu avant son voyage pour Arusha. Un autre témoin dans l'affaire de l'ancien maire de Taba Jean-Paul Akayesu a été emprisonné après avoir déposé en faveur de l'accusé, a déclaré l'avocat.
"Dire que nous devrions demander l'assistance du gouvernement rwandais, c'est se moquer de la situation qui prévaut. Ce qui est arrivé à Sendashonga et à Fidèle dans l'affaire Akayesu, et D'autres nouvelles qui circulent dans la communauté des réfugiés, indique que ce serait très dangereux de parler aux témoins au Rwanda. Comment pouvons nous défendre une affaire quand nous ne sommes pas capables D'obtenir un certain nombre de témoins?" a demandé Me Medvene.
La defense a ainsi réclamé toutes les déclarations tant des accusés que des témoins, des rapports de médecins légistes, des émissions radiophoniques diffusées par la radio Muhabura (pro-FPR) et la radio RTLM (radio extrémiste hutu) et parlant de Kibuye pendant la période du génocide, ainsi que tous les documents relatifs à l'attentat contre l'avion présidentiel, qui a coûté la vie à l'ex-président rwandais et qui a "marqué le début du génocide". La Chambre a par la suite ordonné au parquet de communiquer les pièces demandées qui sont en sa possession.
Initialement prévu en janvier, puis reporté au 23 avril, le procès a été remis lundi au 17 septembre 2001, sur demande de la défense. l'avocat de Ntakirutimana fils, Me Medvene, a invoqué, outre des raisons de santé affectant un membre de sa famille, les difficultés à mener les enquêtes et le fait de n'avoir pas de co-conseil jusqu'à ce jour.
"Compte tenu des arguments avancés par la défense, nous fixons la date du procès au 17 septembre au lieu du 23 avril," a conclu le juge qui conduisait les débats. Le procès est entendu par la première Chambre de première instance, présidée dans cette affaire par le juge sri-lankais Asoka De Zoysa Gunawardana et composée en outre de la juge sud-africaine Navanathem Pillay et du norvégien Erik Mose.
BN/JC/PHD/FH (NT_0402A)