14.03.2001 - TPIR/MEDIAS - LE TRIBUNAL MET EN GARDE UN TEMOIN QUI REFUSE DE REPONDRE

Arusha, le 14 mars 2001(FH)- Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a mis en garde un témoin rwandais du parquet qui refusait de répondre aux questions des avocats de la défense dans le procès des médias en cours devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). "Vous devez répondre aux questions.

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Si vous ne répondez pas aux questions, nous allons rejeter toute votre déposition", a indiqué mercredi la présidente de la chambre, la juge sud-africaine Navanethem Pillay, au douzième témoin du parquet qui déposait depuis lundi.

Adrien Rangira, un ancien journaliste devenu parlementaire en novembre 1994, avait refusé de répondre aux questions de l'avocate anglaise Me Diana Ellis, co-conseil dans l'affaire de l'ancien promoteur de la Radio-télévision libre des Mille collines (RTLM), Ferdinand Nahimana, un des coaccusés dans ce procès.

Ferdinand Nahimana est coaccusé avec l'ancien conseiller politique au ministère des affaires étrangères et membre du comité D'initiative de la RTLM, Jean-Bosco Barayagwiza, ainsi que l'ancien directeur et rédacteur en chef de la revue Kangura, Hassan Ngeze.

Adrien Rangira s'est montré souvent réticent à répondre aux questions en rapport avec le système politique en vigueur au Rwanda, arguant qu'il n'était pas venu subir un interrogatoire. Me Ellis a suggéré que le témoin avait "une mémoire sélective" par rapport aux événements et n'était pas "franc" dans sa déposition. l'avocate anglaise l'a au passage qualifié de "chantre" du Front patriotique rwandais (FPR,ex-rébellion à dominante tutsie) actuellement au pouvoir au Rwanda.

Le témoin a plusieurs fois insisté pour que les avocats raccourcissent leur contre-interrogatoire, "parce que J'ai des choses à faire; je ne travaille pas dans ce Tribunal", a-t-il dit. Le juge norvégien Eric Mose lui a expliqué que "parfois des questions qui vous sont posées peuvent vous sembler les mêmes. Ce n'est pas gratuit. C'est ainsi que fonctionne la procédure". "Ceci peut vous sembler être une répétition. Mais c'est une tentative de progresser. Essayez de reconsidérer votre position", a poursuivi le juge Mose.

Le débat est devenu particulièrement houleux quand, plus tard vers la fin de la journée, le témoin a déclaré que: " à partir de cette nuit, je ne répondrai plus à aucune question et je m'en excuse". Un incident similiare s'était produit lors de la déposition D'un autre témoin du parquet, "AGR", qui occupe également une fonction importante dans l'administration du Rwanda.

"J'ai perdu beaucoup de temps, je ne suis pas prêt à continuer" a déclaré le témoin, soutenant que "à l'avenir vous n'allez pas avoir les gens" qui vont accepter de déposer. "Un génocide s'est produit au Rwanda , ces histoires de politique, de gouvernement actuel" n'ont pas D'importance, selon le témoin qui s'exprimait en français quand la tension montait D'un cran. "Je ne suis pas prêt à coopérer avec les gens qui disent que le génocide est justifié", a ajouté Adrien Rangira.

La présidente de la chambre a expliqué que "ces questions ont été autorisées; vous pouvez ne pas aimer ces questions si elles concernent le gouvernement", l'invitant à y répondre de façon claire et précise. "Vous avez le droit de ne pas accepter ce qu'on dit mais les accusés ont également le droit de se défendre" a dit en substance la juge Pillay.

Le substitut camerounais du procureur, William Egbe, a soutenu que c'étaient "des questions répétitives qui offensent et harcèlent le témoin". "Peut-être que c'est la façon dont les questions ont été posées" qui frustre le témoin, a poursuivi William Egbe : "J'en appelle donc à la discrétion de la chambre", a-t-il dit. Me Ellis a suggéré pour sa part qu'on avait affaire à un témoin qui manquait D'objectivité.

l'avocat béninois, Me Alfred Pognon, co-conseil dans l'affaire Barayagwiza, avait dans un premier temps envisagé de contre-interroger le témoin mais il a dû finalement y renoncer, estimant que "les questions qui ont été posées par Me Ellis ont comblé mes attentes, même si les réponses n'ont pas été satisfaisantes".

l'interrogatoire principal a été mené par le substitut ivoirien du procureur, Alphonse Van, qui a souvent échangé des joutes oratoires avec les avocats, l'une ou l'autre partie objectant sur telle ou telle question. La juge Pillay a, un moment donné, ordonné qu'il soit mis fin à ces "tirs croisés".

Adrien Rangira a témoigné sur la RTLM et la revue Kangura. Le témoin a indiqué que Ferdinand Nahimana était directeur de la RTLM. La défense de Ferdinand Nahimana a rétorqué que la RTLM était en réalité dirigée par Phocas Habimana. "Alors dans ce cas, les informations dont je dispose seraient erronées. Ce n'est pas ce que je savais et je demanderai de vérifier cela", a dit Adrien Rangira.

Le procès devrait se poursuivre lundi prochain avec la déposition d 'un nouveau témoin du parquet. l'accusation n'a pas D'autre témoin pour cette semaine.

AT/PHD/FH(ME_0314B)