08.03.2001 - TPIR/SEMANZA - l'EX-MAIRE DE BICUMBI AURAIT MUTILE UN TUTSI, SELON UN TEMOIN

Arusha 8 mars 2001 (FH)- l'ancien maire de Bicumbi (préfecture de Kigali rurale, centre-est du Rwanda), Laurent Semanza, aurait coupé les bras et les jambes D'un Tutsi, a déclaré un témoin de l'accusation entendu mercredi et jeudi devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda(TPIR). Le onzième témoin de l'accusation désigné sous le pseudonyme "VA" pour protéger son anonymat, est une femme rescapée des massacres perpétrés à l'église de Musha en commune Gikoro "sous la direction de Semanza", a-t-elle dit.

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l'incident aurait eu lieu le 13 avril 1994.

Mme VA a affirmé que l'accusé est venu à deux reprises chercher un nommé Rusanganwa, qui était enseignant en commune Gikoro (voisine de Bicumbi ) , à l'église de Musha où s'étaient réfugiés "environ quatre mille Tutsis" selon le témoin.

"La première fois, nous avons dit à Semanza que Rusanganwa avait été tué. Mais pour la deuxième fois, Rusanganwa est sorti de la chapelle où il 'était caché. Il est allé les saluer. Semanza lui a demandé quand les Inkotanyi allaient arriver. l'autre a répondu qu'il ne savait pas parce qu'il n'était pas Dieu.

Semanza a alors arraché une machette à Hategeka (un Interahamwe, selon le témoin), et a coupé un bras de Rusanganwa. Il a passé la machette à Bisengimana (ex-maire de Gikoro), qui a coupé le deuxième bras. Semanza a repris la machette et lui a coupé une jambe et Bisengimana a fait de même pour la jambe restante" a raconté Mme VA. La victime aurait été chargée à bord D'un véhicule avec D'autres cadavres et conduite à la fosse commune.

Le témoin a par ailleurs déclaré qu'après cet incident, Semanza aurait ordonné que les enfants tutsis rescapés de l'attaque soient conduits en dehors de l'Eglise et "on leur a lancé des grenades et tiré dessus et ils ont été tous massacrés".

Le témoin précédent avait déclaré mardi que l'ex-maire avait dirigé l'attaque du 13 avril 1994 sur l'église, accompagné D'Interahamwe, de policiers et de militaires de la garde présidentielle. Il avait par ailleurs indiqué que l'accusé avait roulé par dessus des Tutsis avec une camionnette qu'il conduisait à un endroit appelé "Mu Kabuga ka Musha" et que mort s'en était suivie.

Le parquet allègue que "entre le 9 et le 13 avril 1994, Laurent Semanza a agi en étroite collaboration avec le bourgmestre de Gikoro, Paul Bisengimana, pour organiser et exécuter les massacres à l'Eglise de Musha, en commune Gikoro, où plusieurs centaines de gens s'étaient réfugiés pour échapper aux tueries dans leurs secteurs. Le ou aux environs du 13 avril 1994, Laurent Semanza a dirigé les attaques contre les réfugiés à l'Eglise de Musha et a personnellement participé à ces massacres".

Mme VA a encore affirmé qu'avant l'attaque, les réfugiés avaient collecté environ quarante deux mille francs rwandais que "Rusanganwa a remis aux Interahamwe pour qu'ils aillent nous acheter des vivres à la coopérative". "Rusanganwa s'était confié à eux parce qu'il les connaissait bien pour avoir travaillé avec eux", a précisé le témoin. "Mais ces Interahamwe, au lieu de nous apporter de la nourriture, ils nous amené des sacs pleins de pierres" a-t-elle poursuivi.

Au cours du contre-interrogatoire, l'avocat camerounais de Laurent Semanza, Me Charles Taku, a tenté de relever les contradictions entre la déposition du témoin et la déclaration faite aux enquêteurs du TPIR.

Ouvert sur le fond le 16 septembre 2000, le procès de l'ancien maire se déroule devant la troisième chambre du TPIR, présidée dans cette affaire, par le juge russe Yakov Ostrovsky, et composée en outre par les juges jamaicain, George Williams, et slovène, Pavel Dolenc.

l'ancien maire de Bicumbi répond de quatorze chefs D'accusation dont le génocide, les crimes contre l'humanité et les violations des conventions de Genève applicables en temps de guerre.

Le procès se poursuivait jeudi matin avec le contre-interrogatoire du témoin.

BN/AT/PHD/FH (Se_0308A)