01.03.2001 - TPIR/MEDIAS - LA RTLM AURAIT INCITE AU MASSACRE DE TUTSIS DANS UN CENTRE ISLAMIQUE

Arusha 1er mars 2001 (FH) - La Radio-télévision libre des mille collines (RLTM) aurait incité au massacre de Tutsis réfugiés au centre islamique de Nyamirambo dans la ville de Kigali, selon un témoin entendu jeudi par le Tribunal pénal international pour le Rwanda(TPIR). Désigné par les lettres "FW" pour protéger son anonymat, le neuvième témoin de l'accusation a affirmé qu'environ trois cents Tutsis ont été attaqués par des soldats et des miliciens le 13 avril 1994 à Nyamirambo, à l'instigation de la RTLM.

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M.FW a rapporté qu'un animateur de la RTLM, Habimana Kantano, a diffusé sur les ondes que des Tutsis qui avaient pris refuge au centre islamique étaient en réalité des combattants du Front patriotique rwandais (FPR, ex-rébellion) et a appelé l'armée régulière à les attaquer.

Les réfugiés avaient été repérés la veille par un autre animateur de la RTLM, Noël Hitimana, alors que certains de leurs domestiques hutus venaient de les approvisionner en nourriture. Noël Hitimana les en aurait dissuadé, arguant que c'étaient des "Inyenzi" [cancrelats, terme souvent utilisé pour désigner les soldats du FPR).

Le centre islamique de Nyamirambo comprend notamment un mosquée, une salle de spectacles et une école secondaire. Les réfugiés se trouvaient principalement au dortoir de l'école, a dit le témoin. Les réfugiés ont été conduits à l'extérieur du centre avant D'être tués, a-t-il précisé.

Le parquet affirme que "la RTLM a été utilisée pour diffuser des émissions conçues pour provoquer la haine inter-ethnique et pour inciter la population à tuer et à commettre des actes de violence et de persécution à l'encontre de la population tutsie et à l'encontre D'autres personnes en raison de leur appartenance politique".

Sont concernés par le procès des médias, l'ancien promoteur de la RTLM, Ferdinand Nahimana, l'ancien conseiller politique et membre du comité D'initiative de la RTLM, Jean-Bosco Barayagwiza, et l'ancien directeur et rédacteur en chef de la revue Kangura, Hassan Ngeze.

Le parquet allègue que Ferdinand Nahimana et Jean-Bosco Barayagwiza avaient des raisons de savoir que leurs subordonnés à la RTLM, les journalistes et les animateurs, avaient facilité ou diffusé des émissions appelant aux massacres et n'ont pas pris des mesures pour empêcher de telles émissions ou punir leurs subordonnés qui les avaient réalisées.

Habimana Kantano et Noël Hitimana sont présumés morts, le premier dans les camps de réfugiés hutus de l'ex-Zaïre, le second dans une prison rwandaise après un rapatriement forcé.

Handicapé, Noël Hitimana avait été amputé D'une jambe, l'ancien animateur ayant été blessé lors D'un bombardement du studio de la RTLM par le FPR en mai 1994.

Le témoin a plus tard évoqué un entretien, diffusé par la RTLM, entre son rédacteur en chef, Gaspard Gahigi, et l'ancien ministre du commerce sous le gouvernement intérimaire, Justin Mugenzi, au cours duquel il aurait été question que "les Hutus doivent tuer tous les Tutsis sans pitié", y compris les femmes, les bébés et les vieilles personnes.

Gaspard Gahigi est également présumé mort, tandis que Justin Mugenzi est détenu à Arusha.

Le neuvième témoin de l'accusation a fondu en larmes au cours de sa déposition. La représentante américaine du parquet, Simone Monasebian, a indiqué qu'il avait des problèmes cardiaques.

Simone Monasebian avait dans un premier temps tenté de lui faire témoigner contre Hassan Ngeze, mais la défense de ce dernier avait protesté.

La chambre a estimé que, dans le cas D'espèce, l'accusé subit un préjudice, du fait qu'il n'y a pas eu notification préalable des éléments de preuve contestés.

Le président de la chambre, la juge sud-africaine Navanethem Pillay, a décidé que cette partie de la déposition ne sera pas prise en compte au cours du contre-interrogatoire.

Le procès des médias se déroule devant la première chambre de première instance du TPIR comprenant outre la juge Pillay, les juges norvégien, Eric Mose, et sri-lankais, Asoka de Zoysa Gunawardana. La déposition de FW se poursuivait jeudi dans l'après-midi.

AT/PHD/FH (ME_0301B)