28.02.2001 - TPIR/MEDIAS - l'AVOCAT DE NGEZE ACCUSE KIGALI DE S'IMMISCER DANS LA PROCEDURE

Arusha 28 février 2001 (FH) - l'avocat américain de l'ancien directeur et rédacteur en chef de la revue Kangura, Hassan Ngeze, Me John Floyd, a accusé le gouvernement de Kigali de s'immiscer dans la procédure, mercredi, au cours D'une audience dans le procès des anciens responsables "des médias de la haine" devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). "Je suis outré que le ministre de la justice du Rwanda rencontre le greffier de ce Tribunal et parle des questions concernant cette cause", s'est plaint Me Floyd.

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l'avocat américain se référait à une rencontre entre le greffier sortant du TPIR, le Nigérian Agwu Ukiwe Okali, son successeur, le Sénégalais Adama Dieng, et le ministre rwandais de la justice, Jean de Dieu Mucyo, lundi à Kigali, au cours de laquelle les problèmes de protection de témoins rwandais du parquet ont été notamment évoqués.

Le ministre rwandais de la justice s'était à cet égard montré préoccupé par "une sorte de harcèlement des témoins par les avocats de la défense", a rapporté la radio nationale rwandaise.

La semaine dernière, le septième témoin de l'accusation dans le procès des médias avait échangé des propos peu courtois avec un avocat de la défense, les deux hommes allant jusqu'à se traiter mutuellement de "stupides". Le Tribunal avait ordonné au témoin de ne parler de sa déposition à personne.

"S'ils traitent les gens comme ça, nous aimerions à notre tour savoir comment nous devrions les traiter", avait indiqué le ministre Mucyo, dans une interview à Radio Rwanda.

"C'est absolument outrageant, ce n'est pas normal qu'il [le ministre de la justice] s'immisce dans cette procédure", a déclaré Me Floyd.

"Je m'en fiche du ministre de la justice du Rwanda. Mais je n'accepterai pas l'intimidation de la part du gouvernement rwandais," a poursuivi l'avocat américain.

Me Floyd a soutenu que le greffier n'a pas le droit de rencontrer les autorités de Kigali, car, a-t-il dit, "c'est l'obstruction de la justice". l'avocat de Hassan Ngeze a fait valoir que si c'était dans son pays, les Etats unis, "il [le greffier] perdrait son emploi".

Me Floyd a ensuite fait état D'une conversation qu'il a eue avec un des coaccusés dans ce procès, l'ancien conseiller politique au ministère des affaires étrangères et membre du comité D'initiative de la Radio-télévision libre des mille collines (RTLM), Jean-Bosco Barayagwiza, au cours de laquelle son interlocuteur lui a déclaré que le gouvernement de Kigali va s'immiscer dans cette procédure et "que si je défends Ngeze, on va essayer de m'éliminer".

Hassan Ngeze et Jean-Bosco Barayagwiza sont coaccusés avec l'ancien promoteur de la RTLM, Ferdinand Nahimana.

l'avocat de Ngeze a exigé que le Tribunal indique clairement au gouvernement rwandais que "il n'avait rien à faire dans ce procès".

Le substitut camerounais du procureur, William Egbe, a pour sa part estimé que "les remarques de Me Floyd sont non appropriées, car nous tirons des conclusions à partir de ce qui a été rapporté par une autre partie".

"Peut-être que Me Floyd aurait dû attendre le retour du greffier pour savoir ce qui s'est passé", a dit William Egbe. Mercredi, le greffier était à Nairobi au Kenya, après sa visite au Rwanda.

La présidente de la chambre, la juge sud-africaine Navanethem Pillay, a répondu à Me Floyd que "la chambre prend note de ce que vous avez dit et nous allons voir comment essayer de régler au mieux cette question". Le Tribunal a entamé mercredi soir l'audition du neuvième témoin de l'accusation.

Avant que le témoin n'entame sa déposition, l'avocate anglaise Me Diana Ellis, co-conseil dans l'affaire Nahimana, a déploré que le procureur rencontre préalablement ses témoins et obtient de nouvelles déclarations qui surprennent la défense lors des audiences.

"La méthode utilisée par le procureur donne lieu à un manque D'équité mais concerne également la fiabilité quand à la recevabilité de ces éléments de preuve par la présente chambre", selon Me Ellis.

La représentante américaine du parquet, Simone Monesibian, a rétorqué :"Je vois mal comment on peut nous interdire de rencontrer un témoin avant sa déposition".

La juge Pillay a conclu qu'il s'agissait "D'un problème de procédure mis en délibéré."

AT/PHD/FH (ME_0228A)