Ouvert sur le fond le 23 octobre 2000, le procès des médias était déjà boycotté depuis le début par l'ancien conseiller politique au ministère des affaires étrangères et membre du comité D'initiative de la Radio-télévision libre des milles collines (RTLM), Jean-Bosco Barayagwiza. Un seul coaccusé, l'ancien directeur de la RTLM, Ferdinand Nahimana, semble disposé à poursuivre ce procès sans conditions.
Dans un communiqué publié le week-end dernier, Hassan Ngeze affirme que le 10 janvier, "les agents du TPIR, en complicité avec le gouvernement de Kigali" ont fouillé sa cellule et le bureau de ses avocats et "ont copié tout le contenu du disque dur de mon ordinateur contenant mes documents de défense, ont détruit quelques uns de mes fichiers stratégiques et ont pris quinze disquettes pleines de documents pour la défense".
Hassan Ngeze allègue qu'on lui a volé entre autres 185 déclarations de témoins ainsi que des effets personnels. "Maintenant, le problème fondamental auquel je fais face est que quelques uns de mes témoins ont déjà commencé à être menacés par le régime de Kigali auquel mes documents de défense et les déclarations de témoins ont été donnés. D'autres sont pourchassés dans leurs pays D'accueil respectifs à la demande du gouvernement de Kigali", écrit notamment Hassan Ngeze, dans son communiqué.
l'ancien responsable de Kangura réclame également la traduction de 71 numéros du journal qui constituent "l'épine dorsale" de l'acte D'accusation, dit-il.
Comme l'accusé Jean-Bosco Barayagwiza, Hassan Ngeze conteste en outre l'indépendance du TPIR et se dit "prêt à être jugé par tout autre tribunal impartial et indépendant".
A la reprise du procès mercredi, la défense de Hassan Ngeze entend demander le retrait de l'acte D'accusation en raison de la violation se son droit à l'intimité. "Plus D'une année de travail a été détruit le 10 janvier 2001", se plaint la défense de Hassan Ngeze. Les avocats en attribuent la responsabilité aux agents du centre de détention accompagnés D'au moins deux personnes
"inconnues", agissant "dans la plus belle tradition de la Gestapo". Les avocats comparent cela à " un cancer".
Le porte-parole du TPIR, le Nigérian Kingsley Moghalu, a démenti qu'un quelconque document eût été saisi dans la cellule de Hassan Ngeze. "Nous n'avons rien pris, pourquoi aurions nous besoin de lui prendre des choses?" s'est demandé Kingsley Moghalu dans une interview accordée à l'agence Internews.
Le porte-parole du TPIR a expliqué que la fouille opérée dans la cellule de Hassan Ngeze faisait suite à des informations selon lesquelles il avait ouvert un site internet. Les agents du Tribunal mènent actuellement des enquêtes dans le but de savoir comment des photos prises à l'intérieur du centre de détention ont pu se retrouver sur ce site. Hassan Ngeze aurait déclaré qu'il allait faire quelque chose pour "embarrasser" le Tribunal, selon les propos de son porte-parole rapportés par Internews.
Hassan Ngeze est représenté par les avocats américain, Me John Floyd, et canadien, Me René Martel.
Dans le passé Hassan Ngeze avait menacé de boycotter son procès si le journal Kangura n'était pas entièrement traduit en anglais et en français mais il était par après revenu sur sa décision, après avoir reçu des assurances de la cour que son procès sera équitable. La position officielle de Me Floyd est qu'il représenterait "vigoureusement" son client, même en son absence.
Le parquet affirme que Hassan Ngeze et ses coaccusés ont agi de concert pour commettre le génocide anti-tutsi et l'incitation directe et publique à commettre ce génocide en utilisant les médias de la haine, la radio RTLM et le journal Kangura.
"Dans le but D'assurer une large diffusion de ces appels à la violence ethnique, des personnalités de l'entourage du président Habyarimana mettent sur pied de véritables médias de la haine qui exerceront une grande influence sur la population rwandaise. La création du journal Kangura et de la Radio-télévision libre des mille collines (RTLM) participe de cette stratégie et s'inscrit dans cette logique", note le procureur.
"Dès 1993, les Tutsis et les opposants politiques sont ciblés, clairement identifiés et menacés par ces médias. Plusieurs D'entre eux compteront parmi les premières victimes des massacres D'avril 1994", ajoute le procureur. Le parquet souligne que Barayagwiza est notamment lié à Ngeze par leurs activités au sein du parti extrémiste Coalition pour la défense de la République (CDR), en particulier en préfecture de Gisenyi (ouest du Rwanda), et à Nahimana, par le fait qu'ils ont tous les deux représentés le gouvernement intérimaire à l'étranger.
A la suspension du procès le 9 novembre dernier, le Tribunal avait déjà entendu trois témoins de l'accusation. La défense de Ferdinand Nahimana a déposé une plainte en faux témoignage contre l'un D'entre eux.
AT/MBR/FH (ME_0129A )