"La cour se trompe en estimant la culpabilité de Kayishema supérieure à celle de Ruzindana" a dit aux juges le procureur Zhu Wen-gi (Chine). "Selon les faits, tels qu’établis par la cour, la conduite de l’un et l’autre a été si horriblement constante et répandue, qu’aucune distinction significative n’est possible. […] Même si Kayishema était considéré comme le supérieur de Ruzindana, il n’en découle pas nécessairement que Kayishema mérite une sanction plus sévère. Celle-ci doit être fonction de la gravité du crime. Le Procureur est d’avis que la seule sentence à même de refléter les crimes de Ruzindana est l’emprisonnement à vie".
La prison à perpétuité est la peine maximale que le TPIR puisse infliger, contrairement au Rwanda, où les cours peuvent condamner à la peine de mort. De nombreuses personnes au Rwanda ont perçu la condamnation de Ruzindana à 25 ans de prison comme trop faible.
Kayishema et Ruzindana ont été condamnés le 21 Mai 1999, à l’issue d’un procès commun. Kayishema avait été reconnu coupable de quatre chefs d’accusation de génocide et condamné à la perpétuité. Ruzindana, reconnu coupable d’un chef d’accusation de génocide, avait été condamné à 25 ans d’emprisonnement. La cour avait affirmé vouloir distinguer entre les différents niveaux de responsabilité des deux hommes, Kayishema étant un representant du gouvernement, alors que Ruzindana n’était détenteur d’aucune autorité.
Le Parquet a également fait appel des chefs d’accusation retenus à l’encontre des deux condamnés, estimant qu’ils auraient dû être tenus coupables de meurtre et d’extermination constitutifs de crimes contre l’humanité et crimes de guerre aussi bien que de génocide. Kayishema était poursuivi pour 24 chefs D'accusation dont ceux de génocide, crimes contre l’humanité et violations graves des Conventions de Genève. Ruzindana était pour sa part poursuivi pour six chefs D'accusation.
Le procureur belge, Sonja Bolaert-Suominen a considéré que la Cour avait condamné les deux hommes pour meurtre et extermination et estimé que les charges de crimes contre l’humanité était contenues dans celle de génocide. Elle s’est appuyé sur la jurisprudence du Tribunal Pénal International pour la Yougoslavie (TPIY) pour arguer du fait que la Cour se trompait. Elle a affirmé qu’aussi bien le jugement du TPIR dans l’affaire Jean-Paul Akayesu (ancien maire rwandais, condamné à perpétuité en 1998) que celui du TPIY dans l’affaire Dusko Tadic (criminel de guerre serbe) démontraient qu’un accusé pouvait être poursuivi pour chacun des chefs d’accusation portés à son encontre, et qu’en cas de concurrence entre ceux-ci, la peine devait néanmoins tenir compte de chacun d’eux.
"Il est important de rendre un verdict reflétant les crimes commis" a-t-elle dit à la Cour, ajoutant que les charges de génocide, crime contre l’humanité et crime de guerre avait été introduit en Droit international "afin de répondre aux différents intérêts de société".
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