17.05.2000 - TPIR/RUGGIU - IL NE FAUDRAIT PAS RATER LE CAS RUGGIU, SELON LA DEFENSE

Arusha 17 mai 2000 (FH) - Il ne faudrait pas rater le cas Ruggiu, a suggéré la défense de l'ancien journaliste italo-belge à la Radio-télévision libre des mille collines (RTLM), qui a plaidé coupable lundi devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). l'avocat belge de Georges Ruggiu, Me Jean-Louis Gilissen, a indiqué mercredi à l'agence Hirondelle que certains détenus du TPIR attendaient le verdict dans l'affaire Ruggiu pour prendre une décision définitive concernant leur ligne de défense.

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Georges Ruggiu a changé de plaidoyer lundi et s'est reconnu coupable D'incitation à commettre le génocide et de crime contre l'humanité (persécution).

Le parquet a requis une peine de vingt ans de prison pour Georges Ruggiu. La défense a, pour sa part, plaidé une peine "proportionnée et individualisée." Me Gilissen assiste l'avocat tunisien, Me Mohamed Aouini, conseil principal, dans la défense du repenti.

Les aveux de Georges Ruggiu sont consignés dans un accord conclu avec le parquet. Selon cet accord, dont l'agence Hirondelle a obtenu une copie, "Georges Ruggiu entend qu'il plaide coupable pour incitation directe et publique à commettre le génocide, un crime qui lui a été expliqué comme crime choquant l'humanité et constituant une violation extrêmement grave selon la loi juridique internationale de l'humanité".

Le crime D'incitation "consiste en actes directs ou indirects menant à la tuerie ou à des atteintes graves à l'intégrité physique ou mentale à des membres D'un groupe national, ethnique, racial ou religieux en tout ou en partie", explique l'accord.

Georges Ruggiu plaide, par ailleurs, coupable de crime contre l'humanité consistant "en des actes directs ou indirects menant à la torture physique ou mentale ou à la mort de personnes, faisant partie des attaques généralisées ou systématiques dirigées contre une population civile, en raison de son appartenance politique, ethnique, racial ou religieux. "

Le repenti reconnaît que les médias, notamment la RTLM "étaient l'un des instruments-clés utilisés par les extrémistes des partis politiques MRND (Mouvement républicain national pour le développement et la démocratie) et de la CDR (Coalition pour la défense de la République) pour mobiliser la population et l'inciter à massacrer les Tutsis et les opposants politiques, dont la plupart étaient des Hutus modérés".

Georges Ruggiu a travaillé à la RTLM du 6 janvier au 14 juillet 1994. l'accusé reconnaît "qu'à dater de la reprise des émissions de la RTLM, après le décès du président Habyarimana, cette radio est devenue pour une part importante de la population un véritable oracle et ce, dans la mesure où manifestement une part importante de la population accordait un crédit très important aux nouvelles et aux commentaires diffusées sur les ondes", selon l'accord.

Le document indique que "la RTLM a défendu l'ensemble des orientations et des actions du gouvernement intérimaire et que, entre le mois D'avril et le mois de juillet 1994, la RTLM a bénéficié D'une collaboration pleine et entière, mais aussi D'une reconnaissance totale du gouvernement intérimaire dont elle semblait, en fait, relever ou être dépendante".

Georges Ruggiu déclare que "la RTLM a alors clairement eu un rôle tant officieux qu'officiel de sensibilisation et de mobilisation de la population contre le FPR [Front patriotique rwandais] et ses complices ce qui, en pratique, s'est avéré implicitement inclure la population civile tutsie et les politiciens hutus opposés au gouvernement intérimaire ou ayant participé à l'opposition contre feu le président Habyarimana et ses alliés."

Georges Ruggiu affirme qu'il a conclu cet accord librement, volontairement et en étant sain D'esprit. Il ajoute qu'aucune promesse ni proposition ne lui ont été faites, "en dehors de celles contenues dans cet accord".

Les parties étaient en négociations depuis le mois de juillet 1999. Il a fallu un débat, parfois houleux, entre le parquet et la défense, lors de l'audience de lundi, au cours D'une audience préalable au prononcé de la sentence. Me Jean-Louis Gilissen s'est même, à un moment donné, demandé s'il ne fallait pas "repousser l'accord".

Le responsable du parquet, la Suissesse Carla del Ponte, a rétorqué, selon le défenseur :" On n'a pas besoin de l'accord de Ruggiu. On n'a pas besoin de ses aveux. On a besoin de la vérité. Nous sommes les premiers à dire : reprenez cet accord et on va au procès. Et ce sera la prison à vie !".

Georges Ruggiu assure enfin que son plaidoyer de culpabilité est sans équivoque. Le verdict sera rendu le 1er juin.

AT/PHD/FH (RG%0517A. )