25.04.2000 - TPIR/BAGILISHEMA - LA DEFENSE DEMANDE LE MEMORANDUM SUR l'ATTENTAT CONTRE l'AVION DU PR

Arusha 25 avril 2000 (FH) - La défense de l'ancien maire de Mabanza (préfecture de Kibuye, ouest du Rwanda), Ignace Bagilishema, entend demander la publication D'un mémorandum interne de l'ONU sur la mort du président Juvénal Habyarimana à la suite D'un attentat contre son avion le 6 avril 1994, a-t-on appris mardi à Arusha. l'avocat français D'Ignace Bagilishema, Me François Roux, a indiqué qu'il va déposer "aujourD'hui ou demain" une requête en vue de la production officielle de ce document gardé sous scellé sur ordre de la présidente du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), la juge sud-africaine Navanethem Pillay.

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Accusé de génocide et de crimes contre l'humanité, Ignace Bagilishema a entamé mardi matin la présentation de ses moyens de défense.

"Cette affaire ne peut pas continuer si vous ne versez pas publiquement au débat tous les documents à votre connaissance" concernant la mort du président Habyarimana, le 6 avril 1994, suivie du génocide anti-tutsi et des massacres D'opposants, a plaidé Me Roux. l'avocat français a affirmé que le mémorandum demandé "met explicitement en cause ceux qui sont actuellement au pouvoir au Rwanda".

"Nul ne pouvait ignorer ce qui allait se passer au Rwanda, si on jetait l'allumette dans ce pays, qui était devenu un véritable baril de poudre. Et le pays s'est embrasé en l'espace de quelques jours" a indiqué Me Roux, demandant aux juges de se pencher sur la question.

La juge Pillay avait déclaré le 7 avril dernier qu'elle avait mis sous scellé un document de trois pages préparé "sur sa propre initiative" par un ancien enquêteur du TPIR, l'Australien Michael Hourigan, relative à l'attentat contre l'avion qui transportait le président Habyarimana. Ce mémorandum interne et confidentiel n'avait pas, à l'époque de sa rédaction, été transmis au TPIR, selon la juge Pillay.

l'existence de ce document a été reconnue après qu'un journal canadien, le National Post en a parlé. Dans sa livraison du 1er mars dernier, le National Post a révélé que l'ONU avait été informée que des Tutsis membres de l'actuel régime rwandais et un gouvernement étranger étaient responsables de l'attentat.

Selon le National Post , le mémorandum affirme que trois informateurs tutsis ont révélé à l'ONU qu'ils faisaient partie du commando D'élite qui a assassiné le président hutu en 1994 et que l'opération était menée sous le commandement de Paul Kagame, l'actuel président rwandais.

"Ayant été avertie que le document concernait des affaires qui pourraient à l'avenir être portées devant une chambre de première instance, et après avoir consulté les juges, J'ai, immédiatement après réception, ordonné [...] que la correspondance y afférente et l'original du document soient mis sous scellé dans le bureau du président. Ni moi, ni aucun des juges n'avons lu le document", a déclaré la présidente du TPIR.

Me Roux a déploré mardi matin que le Tribunal juge seulement "une des parties en conflit au Rwanda", affirmant que son client est innocent.

l'avocat français a présenté Ignace Bagilishema comme "un homme de paix, profondément croyant" et "bâtisseur des passerelles entre les hommes" de toutes les ethnies, les religions et les régions.

"Ce n'est pas parce qu'il est Hutu, parce qu'il est bourgmestre, parce qu'il appartient à l'administration du Rwanda qu'il est coupable" a dit Me Roux, demandant aux juges de l'acquitter. Ignace Bagilishema a fondu en larmes au cours de la plaidoirie.

Me Roux et son co-conseil mauritanien Me Maroufa Diabira entendent présenter vingt témoins à décharge, dont un expert en psychiatrie qui a examiné l'accusé. Selon l'avocat français, on ne peut juger un homme sans le comprendre.

Commencé le 27 septembre dernier, le procès avait été suspendu mi-février à la fin de la présentation des éléments de preuve du parquet. Dix huit témoins de l'accusation ont été entendus, dont le sociologue français André Guichaoua, cité comme expert.

Ignace Bagilishema est accusé de massacres de Tutsis dans quatre communes de la préfecture de Kibuye.

Ignace Bagilishema est jugé par la première chambre de première instance du TPIR présidée par le juge norvégien Eric Mose et comprenant en outre, les juges sri-lankais Asoka de Zoysa Gunawardena et turc Mehmet Güney.

Le Tribunal s'est rendu au Rwanda, peu avant l'ouverture du procès, pour visiter les lieux des crimes allégués. Me Roux a demandé aux juges de se rendre une nouvelle fois au Rwanda pour vérifier les déclarations des témoins à charge.

Ignace Bagilishema, 45 ans, a été maire de la commune Mabanza de février 1980 à juillet 1994. Il s'est rendu le 20 février 1999 aux autorités sud-africaines et transféré le même jour au TPIR.

Il figurait sur le premier acte D'accusation établi en 1995 par le TPIR aux côtés de sept autres personnes, dont deux, l'ancien préfet Clément Kayishema, et l'homme D'affaires Obed Ruzindana, ont été déjà jugés. En novembre dernier, le Tribunal a ordonné un procès séparé pour l'ancien maire de Mabanza. Le premier témoin de la défense a commencé sa déposition mardi après-midi.

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