"Messieurs les juges, revoyez votre décision, changez votre décision, parce qu'en cette affaire, vous n'avez pas seulement la violation des droits de l'accusé(...) mais il y a eu aussi violation des droits des victimes", a indiqué le Procureur à la Cour.
"En fait , je suis ici la seule personne à représenter les victimes. Et en leur place je vous demande de permettre au procureur de poursuivre cet accusé, qui a commis les crimes contre l'humanité et qui a commis le génocide(...) Cet accusé est co-responsable de la mort de plus de huit cent mille personnes au Rwanda. Les preuves sont là, irréfutables, indéniables, il est coupable. N'empêchez pas que les victimes puissent demander justice," a dit Del Ponte en demandant si les droits de l'accusé devaient primer sur ceux des victimes.
Le procureur a en outre déclaré avoir été surprise par la décision de la Chambre qui lui interdisait désormais de poursuivre Barayagwiza, "sanction qui n'est prévue ni par le règlement, ni par le statut du TPIR".
Madame Del Ponte a réfuté les allégations selon lesquelles les violations des droits de l'accusé étaient imputables au Procureur, affirmant que le parquet avait diligenté tous les efforts nécessaires dans cette affaire.
"Vous devez changer votre décision parce qu'elle est fausse", a demandé le procureur au juges de la Chambre D'Appel. "Il y a des nouveaux faits que, si les juges de la Chambre D'Appel avaient pu connaître avant de rendre leur décision, ils n'auraient pas abouti à ce résultat", a-t-elle ajouté.
Le 31 novembre dernier, la Chambre D'Appel a ordonné la mise en liberté de Jean-Bosco Barayagwiza pour vices de procédure au moment de sa détention initiale au Cameroun, et après son transfert au centre de détention du TPIR à Arusha. l'ordre de mise en liberté était "avec préjudice au procureur", signifiant ainsi que le TPIR n'avait plus le droit D'arrêter l'appelant.
Barayagwiza est l'un des membres fondateurs de la radio incendiaire, la Radio Télévision Libre des Milles Collines, qui incitait les Hutus au massacre des Tutsis. Conseiller politique au ministère des affaires étrangères du gouvernement intérimaire qui a conduit le génocide de 1994 au Rwanda, Barayagwiza était également l'un des cerveaux du parti extrémiste hutu, Coalition pour la Défense de la République(CDR).
Le gouvernement rwandais avait réagi à la décision de la Chambre D'Appel, en suspendant sa coopération avec le Tribunal, bien qu'elle ait été reprise tout dernièrement.
Del Ponte a rappelé à la Cour l'effet que la décision avait eu sur le Tribunal." Elle a paralysé la justice de ce Tribunal" a dit le procureur, ajoutant que "il faut tenir compte que du gouvernement rwandais dépend notre possibilité de poursuivre nos enquêtes et ouvrir des procès contre les criminels".
"On peut fermer la porte du Tribunal et ouvrir celle de la prison. Je vous demande donc de ne pas permettre que ce soit Barayagwiza qui décide du sort de ce Tribunal après qu'il ait décidé du génocide de 1994 au Rwanda" , a conclu la Suissesse Del Ponte.
BN/JC/KAT/FH (BR%0222A)