30.11.1999 - TPIR/RUTAGANDA - UN EXPERT RECOMMANDE AU TPIR DE SURSEOIR AU JUGEMENT RUTAGANDA

Arusha 30 novembre 99 (FH) - Un professeur de droit aux universités d’Anvers et de Bruxelles et chercheur spécialisé dans la région des grands lacs d’Afrique centrale, qui avait été entendu comme témoin expert appelé par le procureur dans le procès de l'ancien chef de milice rwandais Georges Rutaganda, affirme que les circonstances actuelles ne sont pas favorables au prononcé du jugement Rutaganda. Le professeur Filip Reyntjens a demandé à introduire une déclaration au titre D'amicus curiae (ami de la cour) devant la chambre de première instance 1 du TPIR, qui doit rendre son jugement dans l'affaire Rutaganda le 6 décembre prochain.

2 min 28Temps de lecture approximatif

Dans sa déclaration, F. Reyntjens exprime son soutien au travail accompli par le TPIR et assure ne pas douter de l'indépendance du tribunal. Mais, dit-il, " je m’inquiète de l’apparence qui pourrait être créée si, dans les circonstances du moment, le Tribunal était amené à prononcer un verdict de culpabilité et la détermination d’une peine dans l’affaire Rutaganda ".

Les circonstances auxquelles se réfère M. Reyntjens sont celles issues de la réaction des autorités rwandaises suite à l'annonce de la décision de la cour D'appel du TPIR qui, pour non respect de la procédure, ordonnait le 3 novembre dernier la relaxe D'un suspect de premier plan, Jean-Bosco Barayagwiza.

"En effet, écrit Reyntjens, les réactions des autorités rwandaises à cette décision peuvent créer l’impression que les organes du TPIR sont soumis à des pressions mettant en péril leur indépendance et leur impartialité". Il poursuit en relevant qu' " en violation de leurs obligations en droit international, les autorités rwandaises ont "suspendu" leur coopération avec le TPIR “, annoncé qu'elles prendraient "d’autres résolutions” si la chambre d’appel ne revenait pas sur sa décision ", menacé "d’empêcher la présence de témoins devant le TPIR et refusé le droit d’entrée sur son territoire au procureur ". Une autre marque " de ces tentatives d’influencer le cours de la justice internationale (est) l’annonce que le représentant du Rwanda auprès du TPIR ne rejoindrait pas Arusha ". F. Reyntjens observe au passage "que pareil représentant n’aurait jamais dû être accrédité, puisque des autorités de l’Etat rwandais pourraient à l’avenir faire l’objet de poursuites"

" Je ne me prononce évidemment pas sur l’innocence ou la culpabilité de Georges A.N. Rutaganda, enchaîne le professeur Reyntjens. " Je ne possède pas les éléments du dossier et il appartient au TPIR d’en faire la détermination judiciaire. Je crois cependant qu’un prononcé fait dans les circonstances du moment risquerait de porter un préjudice grave à la perception d’indépendance et d’impartialité du TPIR. Cette apparence est pourtant considérée, notamment par la Cour européenne des droits de l’homme, comme inhérente aux exigences d’une justice indépendante et impartiale."

Je soumets dès lors, écrit-il, que, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, le Tribunal devrait surseoir momentanément à se prononcer dans l’affaire du Procureur contre Georges A.N. Rutaganda."

Cette déclaration survient après que l'avocate canadienne de Rutaganda, Tiphaine Dickson, ait rempli, samedi 27 novembre, une requête en vue de l'interruption de la procédure en cours contre son client.

Me Dickson a argué du fait que la cour ne pouvait pas être considérée comme indépendante et a demandé la relaxe de son client, ajoutant que le droit de ce dernier à être jugé par un tribunal indépendant et impartial avait été définitivement violé en raison des pressions continues exercées par les autorités rwandaises.

Me Dickson a demandé à ce que sa requête soit entendue par D'autres juges que ceux siégeant pour le procès Rutaganda.

JC/KAT/FH (RU§1130e)