LES REACTIONS A BICUMBI, AU LENDEMAIN DE LA CONDAMNATION DE L'EX-MAIRE SEMANZA

Bicumbi, le 21 mai 2003 (FH) - Maire de Bicumbi (Kigali rurale) de 1973 à 1993, Laurent Semanza, 60 ans, a été condamné à vingt cinq ans de prison le 15 mai dernier par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Il a été déclaré coupable de cinq chefs sur les quatorze initialement retenus contre lui : complicité de génocide et crimes contre l'humanité (viol, torture, assassinat, extermnination).

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Les juges ont estimé que même si l'accusé n'a pas pris part personnellement aux attaques perpétrées aux-lieux dits Musha, Ruhanga et Mwulire, il a aidé ceux qui y ont participé. La chambre a également conclu que vers mi-avril 1994, Semanza est allé à la paroisse de Musha et a coupé, à l'aide d'une machette, un certain Rusanganwa au niveau de la tête. La victime a plus tard succombé à ses blessures.

Les autorités commununales estiment à trente mille le nombre de personnes tuées à Bicumbi durant le génocide. La plupart d'entre elles étaient des Tutsis. Le nombre de victimes correspond peu ou prou à la moitié de la population générale de la commune au moment des faits.

"Je ne comprendrais jamais pareille sentence"
Au lendemain de la sentence, l'envoyé spécial d'Hirondelle a recueilli les réactions de la population de Bicumbi.

La plupart des rescapés du génocide ont estimé que le TPIR avait donné à Semanza une peine légère, compte tenu de la gravité des crimes commis. “Beaucoup de gens sont maintenant orphelins ou veufs à cause de Semanza", a décalré sous le couvert de l'anonymat une femme en colère, non loin de l'ancienne résidence de Semanza. "Il ne mérite rien d'autre que la mort", a-t-elle ajouté.

“Il était l'un de ceux qui ont dirigé les massacres ici. Je pense que 25 ans c'est la peine qu'on inflige à quelqu'un qui a confessé ses crimes et qui a demandé pardon", a pour sa part indiqué un maçon, de surcroît responsable local de l'association des survivants du génocide, Ibuka (Souviens-toi). Dans le cas de Semanza, il a estimé qu'étant donné que le TPIR n'impose pas la peine de mort, la sentence aurait due être l'emprisonnement à vie.

Une femme, qui venait de participer à une séance des tribunaux semi-traditionnels, les gacaca, au bureau du secteur Gahengeri, a décrit ce jugement "comme une insulte à l'égard des victimes de Bicumbi". “Tel que vous me voyez ici, je suis seule", a-t-elle dit, les larmes aux yeux. "Il a tué mon mari et mes sept enfants. De mon vivant, je ne comprendrais jamais pareille sentence". Elle a expliqué que sa famille a été décimée par des miliciens dirigés par un responsable au niveau communal, qu'aurait envoyé Semanza.

Avis partagés
Quelques habitants de Bicumbi ont cependant fait entendre des voix discordantes, estimant que l'ancien maire était innocent et qu'il avait été injustement condamné.

"Nous avions pensé qu'il avait gagné son procès", a déclaré un certain Sebushumba, après avoir été informé de la décision de la chambre par un reporter de l'Agence Hirondelle. "Nous ne savions pas qu'on allait le mettre en prison pour quelque chose qu'il n'a pas fait. Nous pensions qu'il allait être libéré et retourner à la maison", a poursuivi cet homme d'environ 65 ans.

Sebushumba reconnaît cependant que des crimes ont été commis à Bicumbi, mais que c'est un "désastre qui est arrivé à l'insu de la population". A la question de savoir, qui a dirigé les massacres à Bicumbi, Sebushumba, qui a déclaré être né et avoir grandi à Bicumbi, a répondu que "c'était un leader", ajoutant: "Mais, je ne sais pas qui c'est".

"Je crois qu'on lui a attribué une sentence injuste", a également déclaré un agriculteur qui a requis l'anonymat. "Je ne l'ai pas connu commettant des crimes. Il n'était plus maire", a-t-il ajouté.

En 1994, Semanza était député désigné par l'ancien parti présidentiel, le MRND pour le représenter au niveau de l'assemblée nationale de transition prévue par les accords d'Arusha.

Le procureur du TPIR estime pour sa part que Laurent Semanza a reçu une peine légère. Il a fait appel. Semanza a également fait appel. Il faudra donc attendre au moins une annéepour être définitivement fixé sur le sort de l'ancien maire.

AT/GG/GF/FH (SE'0521A)