EN ATTENDANT LE VERDICT DANS LE PROCES DU 'GRAND BOURGMESTRE'

Gahengeri, le 14 mai 2003 (FH) - L'ancienne résidence de Laurent Semanza, suspect de génocide et ex-maire de Bicumbi (centre du Rwanda), une des plus grandes maisons du quartier, a été transformée moitié en bar, moitié en lieu d'habitation. Dès que l'information sur la présence d'un journaliste posant des questions sur Semanza s'est propagée, une foule d'habitués surgit par la porte de derrière.

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“Semanza a exterminé notre peuple. Il était bourgmestre ici, vous savez”, déclare un homme d'une cinquantaine d'années, qui désire s'identifier sous le seul nom de Sitache. “Si nous avons de la chance, il sera puni en fonction des crimes qu'il a commis," ajoute-t-il, dans une ambiance chahuteuse. Il refuse de dire quel verdict il souhaiterait, laissant cette responsabilité à la "sagesse" du TPIR.

Mettant en avant son influence alléguée dans la politique communale même après son renvoi, le sociologue français André Guichaoua, durant sa déposition devant le TPIR, a évoqué le surnom donné à Semanza : le Grand Bourgmestre.

Semanza a reconnu ce surnom, mais a donné une raison différente pour l'avoir mérité. Selon lui, c'est grâce aux projets de développement qu'il a menés à Bicumbi pendant toute la durée de son mandat de maire - vingt ans. A l'époque du génocide, en 1994, Semanza n'était plus maire. Il avait été remplacé par Juvénal Rugambarara. L'accusation, au TPIR, maintient cependant que Semanza était resté puissant à Bicumbi, et qu'il aurait participé à à l'exécution de Tutsis dans sa commune.
Après un procès de presque deux ans, les juges du Tribunal pénal International pour le Rwanda rendront jeudi leur jugement dans cette affaire.

Les débats concernant la peine à infliger à Semanza s'échauffent dans son ancienne résidence. Une femme d'une quarantaine d'années, très en colère, requiert l'anonymat pour déclarer : “juger Semanza en l'absence des habitants de Bicumbi est inutile. J'espère cependant que la justice le condamnera à la hauteur de ce qu'il nous a fait.” Elle poursuit, suggérant que “le meilleur verdict serait de l'exécuter. Mais il devrait l'être en présence des habitants de Gahengeri”. Gahengeri est le secteur de la commune de Bicumbi où Semanza résidait.

Le long de la même rue, un peu plus loin, une habitante qui dit connaître l'ex-maire sans l'avoir jamais vu, appelle à la prudence : “d'après ce que j'ai entendu, il pourrait avoir commis des crimes. Si cela est vrai, il devrait être puni en conséquence. Mais ils (les juges) devraient aussi prendre en considération son éventuelle demande de pardon.” Selon elle, s'il est prouvé que Semanza a bien commis les crimes qui lui sont reprochés, il devrait être condamné à 15 ans de prison. "S'il demande pardon", insiste-t-elle.

Une vingtaine de mètres plus loin, un étudiant met en doute la véracité des accusations portés contre l'ancien maire. “Cependant," déclare Justine Mukarutunga, 25 ans, "certains, notamment ceux qui disent l'avoir vu, prétendent que c'est un criminel. Dans ce cas, il devrait être condamné à 25 ans de prison”.

La plupart des habitants de la commune de Bicumbi ne pourront jamais se permettre de se rendre à Arusha, en Tanzanie. Jeudi matin, c'est sur les ondes de radio Rwanda, qui retransmet en direct l'annonce du jugement, qu'ils connaîtront le sort que les juges d'Arusha ont réservé à leur ancien bourgmestre.

CE/GG/GF/FH(NY’0514e)