LE RWANDA VA RELACHER PLUS DE 30 000 SUSPECTS DE GENOCIDE

Arusha, le 23 janvier 2003 (FH) – Le Rwanda va commencer jeudi à mettre en oeuvre un décret présidentiel autorisant la libération provisionnelle de plus de 30 000 suspects de génocide. Cette mesure concerne principalement les mineurs et les suspects susceptibles de rester en prison plus longtemps que ne le prévoient les peines prévues pour les crimes qu’ils auraient commis.

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Les suspects seront dans un premier temps dirigés vers des camps de solidarité, première étape de leur « réadaptation à la vie hors des prisons ».

Le président rwandais, Paul Kagame, a fait paraître ce décret le 1er janvier 2003, ordonnant la libération des suspects de génocide physiquement incapables de passer en jugement, des mineurs et de ceux qui courent le risque de passer plus de temps en prison que ne le prévoient les peines qu’ils pourraient se voir infligées, s’ils étaient reconnus coupables. Quelque 3752 devraient être relâchés jeudi. Le décret bénéficiera également aux suspects détenus pour des délits relatifs à la trahison.

Plus de 100 000 suspects de génocide sont actuellement en attente de procès dans les prisons rwandaises surpeuplées. Un nouveau processus judiciaire,
basé sur le principe traditionnel de la justice communautaire, les gacacas, a été mis sur pied en juin 2002 afin d’accélérer les procès pour génocide.

Environ 2000 suspects, souffrants, âgés ou atteints d’une maladie incurable, ont déjà été libérés la semaine dernière, une procédure appliquée à plusieurs reprises pour cette catégorie

Des problèmes en vue ?
« Nous apportons les touches finales aux dossiers des suspects qui seront relâchés jeudi”, a déclaré à l’agence de presse Hirondelle Emmanuel Mukunzi,
le procureur de la province de Cyangugu, au sud-ouest du pays. “Nous avons par ailleurs sensibilisé la population à l’importance et à la nécessité légale de cet exercice”, a-t-il ajouté, indiquant que les autorités expliquaient aux Rwandais que ce processus ne signifiait pas une amnistie, mais relevait de la libération provisionnelle.

La loi sur les gacacas dispose en effet que les coupables effectueront la moitié de leur peine hors des prisons, occupés à des travaux communautaires. Les suspects qui seront relâchés en vertu du décret présidentiel passeront quand même en procès. Cependant, la plupart d’entre eux, s’ils sont reconnus coupable, n’effectueront que ces travaux communautaires puisqu’ils auront déjà passé la moitié de leur peine en prison.

Quelques organisations de rescapés du génocide comme certaines organisations des droits de l’homme ont critiqué le processus. « Nous craignons que cette
décision attendue mine les efforts des gacacas afin de rendre justice aux victimes du génocide de 1994 », indique un communiqué d’Africa Rights.

Lors de la précédente libération des mineurs et des souffrants, en 1998, il a fallu mettre un terme au processus après que des dizaines de suspects
libérés et des rescapés du génocide eurent été tués. Cette fois-ci, soulignent des officiels du ministère de la Justice, la population comme les suspects sont mieux préparés.

Le présent décret de libération exclut en revanche les suspects accusés d’avoir planifié le génocide, d’avoir commis des meurtres notoires et d’avoir perpétré des actes de viol. Ces suspects, au nombre de 3000, sont classés dans la « Première catégorie » et sont passibles de la peine de mort. Ils ne seront pas jugés par les gacacas, mais par des tribunaux « classiques ».

CE/GG/GF/FH (0123e)