LES GACACA PILOTES ENTRENT DANS LEUR CINQUIEME ETAPE

Kigali, le 18 juillet 2002 (FH) – Au Rwanda, la plupart des Gacaca-test entrent cette semaine leur cinquième phase, celle du recencement des "parties civiles", selon le programme pré-établi par le Département des Juridictions Gacaca de la Cour suprême, et généralement rigoureusement suivi. Les juridictions populaires ont commencé leurs travaux en juin dernier dans 73 cellules de douze secteurs choisis comme juridictions-pilotes dans les onze provinces du pays et la Ville de Kigali.

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Ces provinces et ville totalisent, de haut en bas, 106 districts, 1545 secteurs et 9011 cellules environ.

Lors de sa première réunion le 19 juin dernier, chacune des 73 Gacaca a fixé le calendrier de ses activités. A la deuxième réunion, elles ont commencé le recensement des familles et leurs membres qui habitaient la cellule avant le 6 avril 1994, ainsi que leur adresse actuelle probable.

Pour ce faire, quelques jours avant la réunion de la population en assemblée générale de la juridiction Gacaca de la cellule, les 19 personnes intègres élus comme juges en octobre 2001 se sont réunies entre eux pour mettre ensemble leurs souvenirs des noms.

Au cours de sa troisième réunion, la juridiction a établi la liste des victimes du génocide, tuées dans la cellule entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994, maison par maison, que ce soit les victimes qui habitaient la cellule même, ou encore les victimes qui étaient de passage ou venues s'y réfugier.

Lors de la quatrième assemblée générale, la Gacaca a recensé les victimes tuées en dehors de la cellule, et qui y habitaient de façon permanente entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994.

Pour la cinquième étape, qui commence maintenant, il s'agit de remplir les fiches des rescapés de la cellule qui réclament réparation, famille par famille. Ces fiches comportent l'identification de la personne, sa relation avec la victime, ainsi que les dommages matériels subis. La cinquième semaine sera enfin consacrée à l'établissement des listes des accusés.

Pour cette phase, la procédure changera un peu. Selon les instructions de la Cour suprême, les 19 juges qui forment le Siège n'ètabliront pas de listes. Il sera laissé libre cours à ceux qui veulent recourir à la procédure d'aveux et de plaidoyer de culpabilité. Ces personnes devront expliquer leurs crimes, la façon dont ils les ont commis, leurs victimes, leurs co-auteurs, le lieu de leurs forfaits. Ils devront enfin demander pardon. Officiellement, il y a plus de vingt-et-un mille prisonniers qui plaident coupable.

Pendant cette première phase, les assemblées générales des Gacaca-test se réunissent une fois par semaine dans chaque cellule. Mais lorsque les procès auront commencé, elles se réuniront en séance ordinaire une fois par mois, comme le prévoit la loi.

Le rituel des assemblées générales des Gacaca est toujours la même. Le président constate d'abord que le quorum (au moins cent personnes ayant atteint l'âge de 18 ans au minimum) est réuni. Il donne ensuite l'ordre du jour et déclare la réunion ouverte. Il demande une minute de silence en mémoire des victimes du génocide, mais aussi pour méditer sur les conséquences de cette tragédie et sur le rôle de chacun pour y faire face.

Il fait enfin un petit speech et rappelle huit règles de discipline dans les réunions : pour demander la parole, il faut lever le doigt. Seul le président accorde la parole, en commençant par les personnes venant de loin ou âgées. La personne qui a la parole doit s'efforcer de dire la vérité. Personne ne doit perturber celui qui parle, ni être impoli, insultant, intimidant ou imposer son point de vue. Nul ne doit non plus monopoliser la parole ou parler d'autre chose n'ayant pas de rapport avec le sujet en discussion.

D'une façon générale, les réunions commencent le matin. Les gens viennent au compte-goutte. Il est rare est de voir vraiment une assemblée générale commencer à l'heure convenue. Quand on pose la question sur ces retards, plusieurs des participants répondent souvent : "C'est l'esprit paysan. Rien ne presse. Tout finit par rentrer dans l'ordre".

Mais la raison majeure dont certains parlent aussi, c'est que chacun doit faire d'abord quelque chose pour nourrir sa famille avant d'aller siéger. "Qu'est-ce que je mangerai moi-même à mon retour à la maison si je n'ai rien fait avant d'aller à l'assemblée générale?" disent plus d'un. Enfin, dans plus d'une assemblée générale, les discussions se passent généralement dans une atmosphère bon enfant, mais avec ce sérieux dont les gens qui se connaissent très bien ont eux seuls le secret.
WK/DO/FH (RW0718A)