LA FORMATION DES INTEGRES DEBUTE AVEC DIFFICULTE

Kigali, 8 avril 2002 (FH) – La formation des 254 152 juges des juridictions populaires Gacaca du Rwanda, les Intègres, élus en octobre dernier, a commencé lundi dans l'ensemble du pays. Mais à Kigali, elle a commencé difficilement, a constaté l'Agence Hirondelle.

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Dans au moins un secteur, la formation a été repoussée de plusieurs jours. Dans plusieurs autres, nombre d'Intègres ne se sont pas présentés. Et ceux qui sont venus ont accusé un retard de plusieurs heures sur l'horaire prévu. De plus, à 15h00 (13h00 GMT), tout le monde était rentré, la journée terminée.

Des Intègres rencontrés sur leurs lieux de formation tentaient d'expliquer cet absentéisme par deux raisons majeures. La première est un problème de communication. "Beaucoup ne savaient pas que la formation allait commencer ce 8 avril 2002, ou ne savaient pas où elle allait avoir lieu". La deuxième raison est d'ordre financier. "Les Intègres qui n'ont pas de travail fixe ne peuvent pas facilement sacrifier deux jours par semaine sans faire rien rentrer à la maison. Ils préfèrent aller à leur job qu'à une formation qui ne les paye pas".

En revanche, la formation aurait bien commencé en province. Dans la province de Butare (sud du Rwanda), par exemple, le taux de réussite serait de 90%, selon Radio Rwanda.

Les Intègres sont des bénévoles. Ils doivent recevoir une formation de six jours, à raison de deux jours par semaine. A l'issue de cette formation, ils devraient, vers fin mai, commencer le traitement des dossiers. Leur travail vise d'abord à mettre à nu la vérité sur le génocide : ils jugeront en effet les affaires de leur propre village natal. Leurs voisins seront en même temps les témoins de l'accusation et de la défense. Il n'y aura pas d'avocat dans les Gacaca.

Le deuxième objectif est d'accélérer les procès de génocide et de crimes contre l'humanité commis au Rwanda du 1er octobre 1990 au 31 décembre 1994, selon la loi qui met les Gacaca en place. Depuis le début de ces procès en décembre 1996, seules 6500 personnes, sur un total de 115 000 détenus (chiffre officiel) accusés de génocide et de crimes contre l'humanité, ont été jugées.

CERTAINS DES INTEGRES ACCUSES D'ETRE DES "GENOCIDAIRES"

"Dans toutes les provinces, on retrouve parmi les Intègres des gens contre lesquels des dossiers judiciaires étaient déjà confectionnés", a déclaré dimanche le président d'Ibuka, le collectif des associations de rescapés du génocide, Antoine Mugesera, lors des cérémonies de commémoration du huitième anniversaire du génocide, au Grand Séminaire catholique de Nyakibanda, dans la province de Butare, où trois mille réfugiés Tutsis furent décimés en avril 1994.

Mr Mugesera a indiqué qu' "on connaît parmi ces élus des gens qui ont été libérés provisoirement de prison et d'autres qui n'ont jamais été arrêtés mais dont les dossiers existent". Quant à ceux qui ont pillé, ils sont nombreux, a-t-il ajouté, demandant que ces gens soient chassés, car "ils ne peuvent pas juger avec impartialité les co-auteurs de leurs crimes".
WK/GF/FH (RW0408A)