PLUS D'UN MILLION DE MORTS : BILAN OFFICIEL

Kigali, 8 Février 2002 (FH) – Le génocide rwandais a fait 1 074 017 morts, selon un bilan officiel publié par le ministère rwandais de l'administration du territoire, à l'issue d'un recensement effectué en juillet 2000. Cependant, seules 934 218 victimes ont été identifiées avec certitude.

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Le rapport recommande la poursuite des recherches, car "le dénombrement a rencontré des contraintes qui font qu'il n'est pas parfait, telles que le manque d'informations fiables dans certaines régions où des familles entières ont été décimées, les omissions liées à l'oubli, le refus de parler par peur de ne pas risquer de se voir confronté à la justice ou en raison, dans les centres urbains, de l'indifférence des habitants".

Le recensement affirme que le génocide rwandais a commencé bien avant 1994, plus précisément avec le déclenchement de la guerre, le 1er octobre 1990, dans les provinces (anciennement préfectures) de Byumba et Umutara (nord-est), Gisenyi et Ruhengeri (nord-ouest). Le point culminant des tueries s'est situé entre avril et décembre 1994, période au cours de laquelle on a compté 99,2% du total des victimes de l'ensemble du pays.
93,7% des victimes du génocide ont été tuées parce qu'elles étaient identifiées comme Tutsies, 1% parce qu'elles avaient des liens de parenté, de mariage ou d'amitié avec des Tutsis, 08% parce qu'elles avaient des traits physiques semblables à ceux des Tutsis, 0,8% parce qu'elles avaient des idées contraires à celles du régime hutu de l'époque, ou cachaient (protégeaient) des gens pourchassés par les tueurs.

Dans l'ensemble, les enfants et les jeunes âgés de 0 à 24 ans constituent le gros des victimes, avec une proportion de 53,7%, contre 41,3% des adultes âgés de 25 à 65 ans. Par ailleurs, les hommes (56,4%) ont été beaucoup plus frappés que les femmes (43,3%). Cette situation, peut-on lire dans le rapport, est corroborée par les résultats d'une enquête socio-démographique de 1996 selon laquelle les femmes sont passées de 51% à 54% de la population rwandaise entre 1991 et 1996, alors que les femmes chefs de ménage ont augmenté de 25% en 1991 à 34% en 1996.

Sur le plan socio-professionnel, les paysans viennent en tête avec 48,2% des victimes. Le second secteur le plus touché est constitué des étudiants du secondaire et du supérieur (21,2%). Les enfants d'âge pré-scolaire et les vieillards de plus de 65 ans constituent 16,8% des victimes.

La machette a été l'arme la plus meurtrière (37,9% des victimes), suivie des massues (16,8%) et des armes à feu (14,8%). 0,5% de l'ensemble des victimes sont des femmes qui ont été éventrées ou violées. D'autres victimes ont été contraintes à se suicider, ont été battues à mort, jetées dans les rivières, les lacs ou brûlées vives. Des nourrissons et des bébés ont été, vivants, écrasés contre les murs ou pilés comme du manioc.

La plupart des tueries ont été commises sur la colline même (59,3%). Les églises constituent le deuxième lieu de grands massacres (11,6%). Mais tous les autres lieux possibles de refuge sont devenus des mouroirs (les administrations publiques, les écoles, ou les hôpitaux).

Enfin, le nombre de victimes le plus élevé (22,1%) a été enregistré dans la province de Butare (sud), suivie de Kigali-Rural (14,6%) et de Gitarama au centre (12,1%). Les provinces les moins touchées sont celles de Ruhengeri (1,3%), Byumba et Umutara (qui, à l'époque étaient confondues en une seule préfecture de Byumba, 2,8%), et Gisenyi (3,8%).

Le ministère de l'Administration du territoire ne donne pas d'explication à ce phénomène, mais on peut dire que la préfecture de Butare était considérée comme étant la plus habitée par les Tutsi, mais aussi le principal bastion du Parti Social Démocrate (PSD), à l'époque allié officiellement à la rébellion du FPR (Front Patriotique Rwandais). De leur côté, les préfectures de Ruhengeri et Gisenyi étaient considérées comme étant les moins habitées par les Tutsi, tandis que celle de Byumba était, depuis 1992, occupée en grande partie par le FPR (ce qui a pu protéger les Tutsis de cette préfecture).

Selon le rapport, "le nombre des victimes de la tragédie rwandaise a donné lieu à des spéculations et reste sujet à controverse. Le recensement est un essai de reconstitution qui a pour objectif de connaître les familles, les noms et le nombre des victimes à travers tout le pays en vue de faciliter la mise en place des mémoriaux en leur mémoire, et d'identifier les sites les plus affectés par le génocide pour permettre au gouvernement d'y concentrer les efforts dans le cadre du processus de réconciliation".
WK/GF/FH (RW0208A)